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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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d’être plus diplomate à l’avenir.
Mais ce projet est trop important pour que j’y renonce.
    — Le
contraire m’aurait étonné, sourit Gerold.
     
     
    Au mois de
septembre, l’établissement pour femmes fut officiellement baptisé école
Sainte-Catherine par Jeanne, en souvenir de son frère Matthieu, qui avait été
le premier à lui parler de la sainte savante. Chaque fois qu’elle passait tout
près du modeste bâtiment de la Via Merulana d’où montaient des voix de femmes
en pleine récitation, son cœur faisait des bonds joyeux.
    Jeanne tint
parole. Elle sut se montrer diplomate et très courtoise envers Jordanes et les
autres optimates. Elle réussit même à tenir sa langue le jour où elle entendit
le cardinal Citronatus prêcher qu’au moment de la résurrection finale, Dieu
résoudrait le problème des « imperfections » des femmes en donnant le
sexe masculin à tous les êtres humains. Elle se contenta de convoquer
Citronatus, et de lui suggérer aimablement de retirer cette phrase de ses
sermons pour obtenir une meilleure influence sur ses paroissiennes. Présentée
en termes aussi prudents, la suggestion atteignit pleinement son but :
flatté par l’attention du pape, Citronatus s’empressa de renoncer à prêcher
cette idée.
    Patiemment, et
sans jamais se plaindre, Jeanne supportait la ronde quotidienne des messes,
audiences, baptêmes et autres ordinations. L’automne entier passa ainsi, sans
incident notable.
     
     
    Aux ides de
novembre, cependant, le ciel s’obscurcit, et il se mit à pleuvoir. Pendant dix
jours et dix nuits, des trombes d’eau s’abattirent, au point que les Romains en
étaient parfois réduits à se boucher les oreilles pour ne plus entendre le
formidable martèlement de la pluie sur les toits. Les vieux égouts de la cité
furent bientôt saturés ; dans les rues, l’eau s’accumulait en mares
toujours plus importantes, qui au fil des jours gonflèrent et se rencontrèrent
pour former des torrents. Les dalles de basalte de la chaussée furent
englouties.
    Et il pleuvait
toujours. Les eaux du Tibre montèrent, submergèrent les talus, envahirent les
champs de la campagne environnante, détruisirent les pâturages, emportèrent le
bétail.
    À l’intérieur des
murs de la cité, le premier quartier inondé fut le Champ de Mars, avec sa
grouillante population de pauvres gens. Certains se réfugièrent en lieu plus
sûr dès les premiers signes de montée des eaux, mais beaucoup restèrent sur
place, répugnant à laisser derrière eux leur logis et leurs maigres
possessions.
    Et puis,
soudainement, il fut trop tard. Les flots, ayant dépassé la hauteur d’homme,
interdisaient toute tentative de fuite. Des centaines de personnes furent
prises au piège à l’intérieur de leurs frêles bicoques de bois. Si la crue se
poursuivait, ils étaient condamnés à périr noyés.
    En de semblables
circonstances, le Saint Père se retirait d’ordinaire dans la cathédrale du
Latran pour entonner un chapelet de litanies solennelles, prosterné devant l’autel.
Mais à la grande consternation du haut clergé, Jeanne ne fit rien de tel. À la
place, elle convoqua Gerold pour échafauder un plan de sauvetage.
    — Que
pouvons-nous faire ? demanda-t-elle à son fidèle ami. Il doit bien y avoir
un moyen de sauver ces malheureux.
    — Tous les
accès au Champ de Mars sont inondés, répondit Gerold. Il n’y a plus aucun moyen
d’y arriver, sauf par bateau.
    — Si nous
utilisions ceux qui sont ancrés à Ripa Grande ?
    — Ce ne sont
que des barques de pêche, bien fragiles pour des eaux aussi furieuses.
    — Essayons
quand même. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que ces pauvres
gens se noient !
    Gerold sentit
gonfler en son cœur une bouffée de tendresse. Ni Serge ni même Léon ne se
serait à ce point inquiété du sort des miséreux du Champ de Mars. Jeanne avait
une autre attitude : ne voyant aucune différence de nature entre les
riches et les pauvres, elle les traitait sans distinction. À ses yeux, tous
méritaient la même considération.
    — Je m’en
vais de ce pas mobiliser la garde, dit-il.
    Peu après, ils
arrivèrent sur le quai de Ripa Grande, où Jeanne usa de son autorité pour
réquisitionner toutes les embarcations en état de naviguer. Gerold et ses
hommes prirent chacun place à bord d’un canot, et Jeanne s’empressa de les
bénir, haussant le ton pour se faire entendre malgré la pluie

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