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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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Jeanne, cependant, ils votèrent aussi une
condamnation de l’archevêque Raban Maur pour le traitement « brutal et peu
chrétien » qu’il avait fait subir au moine errant.
    Au total,
quarante-deux canons furent votés au cours du synode, la plupart pour réformer
la discipline et l’éducation ecclésiastiques. À la fin de la semaine, l’assemblée
fut ajournée. Chacun convint que ses travaux s’étaient fort bien déroulés, et
que le pape Jean l’avait présidée avec une intelligence inhabituelle. Les
Romains étaient plus fiers que jamais d’être représentés par un guide spirituel
aussi sage et aussi instruit.
     
     
    La bienveillance
acquise à Jeanne par le synode ne dura pas longtemps. Dès le mois suivant, la
communauté ecclésiastique fut ébranlée jusque dans ses fondations lorsqu’elle
annonça son vœu d’instituer une école pour femmes. Même ses plus proches
partisans furent outrés : quelle sorte de pape avaient-ils élu ?
    Jordanes, le secundicerius, la prit publiquement à partie lors de la réunion
hebdomadaire des optimates.
    — Votre
Sainteté, déclara-t-il, vous nous faites grand tort en cherchant à éduquer les
femmes.
    — Pourquoi ?
    — Vous savez
sans nul doute, Votre Sainteté, que la taille du cerveau de la femme est
inversement proportionnelle à celle de son utérus ; par conséquent, plus
une fille est instruite, moins elle a de chances de porter un jour des enfants.
    Un corps
stérile ne vaut-il pas mieux qu’un esprit infécond ? se demanda-t-elle en son for intérieur.
    — Où as-tu
lu cela ?
    — La chose
est notoire.
    — Assez
notoire, semble-t-il, pour que personne ne se soit donné la peine de l’écrire
pour en informer autrui.
    — Ce qui est
déjà évident pour tous n’a pas besoin d’être écrit. Personne n’a écrit que la
laine provient du mouton, et cependant, nous savons tous qu’il en est ainsi.
    Des sourires
naquirent un peu partout. Jordanes se rengorgea, très satisfait de la force de
son argument. Jeanne réfléchit un instant.
    — Si ce que
tu avances est vrai, finit-elle par dire, comment expliques-tu l’extraordinaire
fécondité de femmes aussi instruites que Laeta, qui correspondit avec saint
Jérôme et qui, aux dires de celui-ci, avait accouché de quinze enfants sains de
corps ?
    — Une
aberration ! Une rare exception à la règle !
    — Si mes
souvenirs sont exacts, Jordanes, ta sœur Juliana sait lire et écrire.
    — À peine,
Votre Sainteté, répondit le secundicerius, pris de court. Juste assez pour lui
permettre de tenir les registres de sa maison.
    — Et
cependant, si j’en crois ta théorie, même une infime dose de savoir devrait
avoir un effet néfaste sur la fertilité d’une femme. Combien d’enfants Juliana
a-t-elle mis au monde ?
    Jordanes s’empourpra.
    — Douze.
    — Une autre
aberration ?
    Un silence
embarrassé lui répondit.
    — À l’évidence,
Votre Sainteté, finit par lâcher Jordanes, votre opinion est faite sur ce
sujet. Je n’en dirai donc pas davantage.
     
     
    — Il n’était
pas très avisé d’insulter Jordanes en public, dit Gerold à Jeanne, un peu plus
tard. Tu risques de le pousser dans les bras d’Arsène.
    — Mais il
avait tort, protesta Jeanne. Les femmes ont la même capacité d’apprentissage
que les hommes. N’en suis-je pas la preuve vivante ?
    — Bien sûr.
Mais tu dois laisser du temps aux esprits. Il est impossible de refaire le
monde en un jour.
    — Le monde
ne sera jamais refait si personne ne s’attelle à cette tâche. Le changement
doit bien commencer quelque part.
    — C’est
exact, admit Gerold. Mais il ne doit pas commencer maintenant, ni ici... ni
avec toi.
    — Pourquoi ?
    Parce que je
t’aime, aurait-il voulu dire, et parce que j’ai
peur de te perdre.
    — Tu ne peux
te permettre de te faire de nouveaux ennemis, se contenta-t-il de répondre.
Aurais-tu oublié qui tu es, d’où tu viens ? Je puis te protéger d’un
certain nombre de dangers, mais pas de toi-même.
    — Ce n’est
pas si grave. Le ciel nous tombera-t-il sur la tête parce que quelques femmes
apprennent à lire et à écrire ?
    —  Te souviens-tu de ce que ton vieux tuteur Asclepios t’a dit un jour ?
    — Que
certaines idées sont dangereuses.
    — Précisément.
    Il y eut un long
silence.
    — C’est
entendu, soupira-t-elle. Je parlerai à Jordanes, et je ferai le nécessaire pour
apaiser son ressentiment. Et je te promets

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