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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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épaule.
Il bascula sur le dos. Le regard mort de l’émissaire épiscopal se fixa sur
elle. Sa bouche formait une grimace édentée. Sa riche tunique était lacérée,
sanguinolente. Son majeur gauche manquait, sectionné net.
    Jeanne se releva.
    — Jean !
s’écria-t-elle, fouillant les sous-bois du regard.
    — Par ici...
    Une tache de peau
claire bougea dans l’obscurité.
    — Jean !
s’écria-t-elle en courant vers son frère, qu’elle étreignit avec fièvre.
    — Jeanne...
Que fais-tu ici ? demanda son frère. Père est-il avec toi ?
    — Non. Je t’expliquerai
plus tard. Es-tu blessé ? Que s’est-il passé ?
    — On nous a
attaqués. Un brigand, me semble-t-il. II a volé la bague de l’émissaire. J’étais
en croupe quand la flèche l’a frappé.
    Jeanne resta sans
voix. Son frère se dégagea et recula d’un pas.
    — Je me suis
défendu, ajouta-t-il avec fierté, le regard singulièrement brillant. Tu peux me
croire ! Quand ce gueux a voulu me saisir, je l’ai frappé avec ceci !
    Il brandit la
dague à manche d’os.
    — Je l’ai
touché à l’épaule, me semble-t-il. En tout cas, j’ai eu le temps de m’échapper.
    Jeanne considéra
longuement la lame trempée de sang.
    — C’est la
dague de Père, lâcha-t-elle.
    — Oui,
répondit Jean, haineux. Je la lui ai volée. Et alors ? Il m’a forcé à
partir, moi qui ne le voulais pas !
    — Soit, fit
Jeanne. Cache-la bien. Nous devons nous hâter si nous voulons arriver à la
cella avant l’aube.
    — La cella ?
Mais... pourquoi irais-je à Dorstadt ? Après ce qui vient de se passer, je
peux rentrer à la maison.
    — Non, Jean.
Réfléchis. Père connaît fort bien les attentes de l’évêque, et il ne te
permettra pas de rester. Il trouvera un moyen de t’envoyer à l’école
cathédrale. Peut-être t’y conduira-t-il lui-même. Et tu oublies qu’à ton
retour, ajouta-t-elle en montrant le coutelas, il aura sûrement découvert que
tu lui as volé ceci.
    Jean la considéra
d’un air ahuri.
    — Tout ira
bien, murmura-t-elle en le prenant par la main. Je vais rester avec toi, je t’aiderai.
Viens.
    Main dans la
main, sous un ciel de plus en plus clair, les deux enfants poursuivirent leur
route en direction de l’auberge, où attendaient les hommes de l’évêque.

7
    Quand ils
parvinrent à la cella, le soleil planait encore bas sur l’horizon mais les
hommes de l’évêque étaient déjà levés, attendant non sans impatience le retour
de leur compère. Lorsque Jeanne et Jean leur racontèrent ce qui était arrivé,
leurs regards se firent soupçonneux. Ils prirent la dague à manche d’os des
mains de Jean et l’examinèrent avec soin. Jeanne remercia le ciel de lui avoir
donné l’idée de la laver à l’eau claire d’un ruisseau. Accompagnés des deux
enfants, les hommes partirent à cheval à la recherche du corps de l’émissaire.
La découverte de la flèche à penne jaune confirma les dires de Jean et de
Jeanne. Que devait-on faire du corps ? Il était hors de question de le
ramener à Dorstadt : non seulement le voyage durait une demi-lune, mais le
soleil de printemps échauffait déjà les journées. Il fut donc décidé qu’on l’enterrerait
dans la forêt, en marquant l’emplacement d’une grossière croix de bois. Jeanne
récita une prière sur sa tombe, ce qui fit forte impression, car les hommes de
l’évêque, à l’instar de leur défunt compagnon, ne savaient pas le latin.
Certains que leur maître attendait une fille, ils refusèrent dans un premier
temps d’emmener Jean.
    — Nous n’avons
ni cheval, ni nourriture pour lui, déclara leur chef.
    — Nous
monterons ensemble, suggéra Jeanne. Et je partagerai avec lui ma ration.
    L’homme secoua la
tête.
    — C’est toi
que veut l’évêque. Nous n’avons que faire de ton frère.
    — Avant
notre départ, mon père a conclu un pacte avec l’émissaire, mentit-elle. Il ne m’a
laissée partir qu’à la condition que mon frère m’accompagnerait. S’il revient
chez nous, mon père me sommera de rentrer à mon tour, et vous serez forcés de
me ramener.
    L’homme fronça
les sourcils. Il venait d’avoir tout loisir de goûter les désagréments d’un
long voyage, et la perspective de recommencer sous peu ne lui plaisait guère.
Jeanne le sentit, et poussa son avantage.
    — Je n’hésiterai
pas à dire à l’évêque que j’ai fait de mon mieux pour expliquer notre
situation, mais que vous

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