Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
Vom Netzwerk:
l’embrasser, il
la serra contre lui et se mit à sangloter.
    — N’aie
crainte, lui glissa-t-elle à l’oreille.
    — C’est
assez, décréta le chanoine en prenant son fils par l’épaule pour le pousser
vers la porte. Ne laisse pas sortir ta fille, ajouta-t-il à l’attention de
Gudrun.
    Ils s’en furent.
La porte se referma avec un bruit sourd.
    Jeanne courut à
la fenêtre. Gudrun resta plantée au milieu de la pièce, à l’observer.
    — Ma petite
caille...
    Jeanne passa près
d’elle en l’ignorant. Elle reprit son ouvrage de couture et s’assit près du
feu. Elle avait besoin de réfléchir. Elle n’avait pas beaucoup de temps, et son
plan devait être soigneusement préparé.
    Son entreprise
promettait d’être ardue, voire périlleuse. Mais pour effrayante qu’elle fut,
cette pensée ne changerait pas son état d’esprit. Jeanne savait désormais, avec
une certitude à la fois merveilleuse et terrifiante, ce qu’elle avait à faire.
     
     
    Ce n’est pas
juste, se dit Jean, assis en croupe derrière l’émissaire
de l’évêque, en fixant d’un air chagrin l’emblème cousu sur sa tunique rouge. Je ne veux pas aller là-bas. Comme il détestait son père ! Il fouilla
dans la poche de sa tunique pour toucher le précieux objet qu’il y avait
dissimulé en secret juste avant de partir. Ses doigts rencontrèrent le manche d’os
de la dague paternelle.
    Un sourire
vengeur se dessina sur ses lèvres. Son père pâlirait de rage en constatant la
disparition de son arme. Tant pis pour lui ! Quand il s’en apercevrait,
Jean serait à bonne distance d’Ingelheim, et le chanoine n’y pourrait plus
rien. C’était un médiocre triomphe, mais dans sa misérable situation, il n’avait
rien d’autre à quoi se raccrocher.
    Pourquoi
n’a-t-il pas voulu envoyer Jeanne à ma place ? Une noire rancœur s’infiltra dans son esprit. Tout est de la faute de ma
sœur. À cause d’elle, il avait dû supporter pendant près de deux ans les
accès d’impatience d’Asclepios, ce vieillard ennuyeux et acariâtre. À l’évidence,
c’était elle que l’évêque attendait. Il ne pouvait en être autrement. C’était elle qui était intelligente, elle qui savait le latin et le grec, elle encore qui était capable de lire Augustin, tandis que lui ne
maîtrisait pas même les psaumes.
    Certes, il aurait
pu fermer les yeux sur cette supériorité, et sur bien des choses encore. Jeanne
n’était-elle pas sa sœur ? En revanche, elle avait commis un crime qu’il
ne pourrait jamais lui pardonner : elle était la favorite de leur mère.
Combien de fois les avait-il entendues rire et murmurer en saxon, pour s’interrompre
sitôt qu’il les rejoignait ? Elles croyaient qu’il ne se doutait de rien.
Sa mère ne s’adressait jamais à lui dans la langue des Anciens. Pourquoi ? se demanda Jean, amer, pour la millième fois. Croyait-elle que je la dénoncerais à Père ? Jamais je n’aurais fait une
chose pareille, pour rien au monde, même s’il m’avait battu jusqu’au sang.
    Ce n’est pas
juste. Pourquoi m’a-t-elle toujours préféré Jeanne ? Je suis son fils, et
chacun sait qu’un fils est mille fois plus précieux qu’une fille. En outre, Jeanne tenait fort mal son rang de femelle. Elle ne
savait ni coudre, ni tisser aussi bien que les autres filles de son âge. Sans
parler de son intérêt pour l’étude, évidemment contre nature... Sa mère
elle-même semblait réprouver ce trait de son caractère. Les enfants du village
se gaussaient constamment de Jeanne. Avoir une telle sœur était plus qu’embarrassant.
Jean l’eût volontiers reniée, s’il en avait eu la possibilité.
    Une soudaine
bouffée de remords l’envahit. Jeanne s’était toujours montrée bonne envers lui.
Bien souvent, elle avait pris sa défense lorsque leur père se mettait en
colère, elle avait fait ses devoirs à sa place lorsqu’il ne les comprenait pas.
Mais s’il lui savait gré de son aide  – elle lui avait épargné plus d’une
rossée  –, il lui en tenait également rigueur. Cette situation l’humiliait.
N’était-il pas son aîné ? C’était lui qui aurait dû veiller sur elle, non
le contraire.
    Et maintenant,
par sa seule faute, il trottait en croupe derrière cet étranger vers un lieu qu’il
ne connaissait pas, vers une vie qu’il ne désirait pas davantage. À l’école de
Dorstadt, il se retrouverait bientôt enfermé du matin au soir dans quelque
salle nue, cerné

Weitere Kostenlose Bücher