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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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en
feu. 
             Le
silence s’éternisait. Tous les yeux étaient rivés sur l’évêque, qui continuait
de la fixer. Enfin, tout doucement d’abord, un murmure sourd et saccadé s’échappa
de ses lèvres.
    L’évêque riait.
    Sa plantureuse
voisine émit un gloussement nerveux. Un formidable vacarme emplit la salle. La
plupart des convives se tenaient les côtes, riant aux larmes. Jeanne épia le
chevalier à crinière de feu. Il affichait un grand sourire. Leurs regards se
croisèrent, et il lui décocha un clin d’œil.
    — Eh bien,
cher Odo, lança l’évêque, ayant enfin réussi à reprendre son souffle, force t’est
d’admettre que cette fille t’a cloué le bec !
    Odo adressa au
prélat un regard empoisonné.
    — Et le
garçon, monseigneur ? Dois-je lui faire aussi subir l’examen ?
    — Non.
Puisque la fille semble lui être attachée, nous les prendrons tous les deux !
À n’en pas douter, cette mignonne a reçu une éducation... peu orthodoxe. Mais
elle apportera ainsi à notre école la bouffée de fraîcheur dont elle a tant
besoin. Odo, tu as deux nouveaux élèves. Veille bien sur eux !
    Jeanne posa sur l’évêque
un regard abasourdi. Que voulait-il dire ? Était-il possible que cet Odo
fût le maître d’études de l’école épiscopale ? Leur maître ?
Dans quel guêpier venait-elle de se fourrer ?
    — Vous avez,
je suppose, pris les dispositions nécessaires pour loger cette fillette,
demanda Odo. Il est bien sûr exclu qu’elle fréquente le quartier des
pensionnaires.
    — Ah, oui...
la loger. Voyons...
    — Monseigneur,
intervint le chevalier aux cheveux de feu, l’enfant pourrait s’installer chez
moi. Ma femme et moi avons deux filles qui l’accueilleront avec grand plaisir.
Elle fera une parfaite compagne pour ma petite Gisla.
    Le regard de
Jeanne se posa sur lui. C’était un homme de vingt-cinq ans environ, dans la
force de l’âge, vigoureux, et de belle prestance, aux pommettes hautes et à la
barbe soyeuse. Ses épais cheveux, d’une teinte extraordinaire, étaient séparés
en leur milieu et tombaient en lourdes boucles sur ses épaules. Ses yeux d’azur
semblaient receler un trésor d’intelligence et de bonté.
    — Riche
idée, Gerold, approuva l’évêque en lui assenant une forte tape dans le dos.
Tout est arrangé. La fille ira chez toi.
    Un serviteur s’approcha,
portant un plateau de confiseries. Le regard de Jean s’écarquilla à la vue de
ces mille merveilles nappées de beurre. L’évêque sourit.
    — Mes
enfants, vous devez être affamés au terme de votre long voyage. Venez donc vous
asseoir près de moi.
    Il se rapprocha
de la dame plantureuse, dégageant un espace suffisant entre le chevalier aux
cheveux roux et lui. Jean et Jeanne contournèrent la table et vinrent s’asseoir.
L’évêque lui-même leur servit des confiseries. Jean se mit à manger à pleine
bouche.
    L’évêque reporta
son attention sur sa voisine. Ils buvaient dans la même timbale et riaient
beaucoup ; il entreprit de lui caresser la chevelure, défaisant sa coiffe
au passage. Jeanne regarda longtemps le plateau de confiseries avant d’en
choisir une, qu’elle goûta, mais ne put finir. Son goût sucré lui parut
écœurant. Elle aurait préféré être loin de cette salle, loin du bruit, de ces
visages inconnus, et surtout loin de la singulière attitude de l’évêque.
    — Ta journée
a été longue, lui glissa le chevalier roux. Souhaites-tu te retirer ?
    Jeanne hocha la
tête. Voyant sa sœur se lever, Jean avala une dernière sucrerie et l’imita.
    — Non, fils,
dit Gerold, posant une main sur l’épaule de Jean. Toi, tu restes ici.
    — Mais... je
veux aller avec elle, protesta Jean.
    — Ta place
est ici, parmi les garçons. Quand tu auras fini ton repas, l’intendant te
conduira à tes quartiers.
    Jean pâlit, mais
se maîtrisa et ne dit rien.
    — Voici une
arme intéressante, dit Gerold en remarquant la dague à manche d’os glissée dans
sa ceinture. Puis-je la voir ?
    Jean lui tendit
son poignard. Gerold le tourna et le retourna, admirant la finesse des motifs
sculptés sur le manche. Sous le feu des torches, la lame lançait des éclairs.
Jeanne frissonna en se rappelant la façon dont elle avait scintillé dans la
pénombre de la chaumière juste avant que son redoutable tranchant ne s’attaquât
aux belles pages du manuscrit d’Asclepios.
    — Excellente
dague, fit Gerold. Roger possède une épée

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