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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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corps d’une étrange douceur. Elle était habituée à dormir dans
le dortoir, sur une simple paillasse. Mais elle aurait préféré que Richild la
laissât passer la nuit près de Dhuoda. Elle n’avait pas revu celle-ci depuis la
remise du parchemin. Toute l’après-midi, elle était restée cloîtrée dans la
chambre de la comtesse, entourée de servantes occupées à arranger sa robe
nuptiale et à préparer sa dot.
    Dhuoda avait-elle
remis le message à Jean ? Elle n’avait aucun moyen de s’en assurer. Comme
prévu, elle attendrait son frère dans la clairière. S’il ne venait pas, elle
partirait seule avec Luc.
    Dans la chambre
contiguë, elle entendit bientôt le souffle profond et régulier de Richild. Elle
attendit encore un moment, afin de s’assurer que la comtesse dormait. Puis elle
se leva, se coula le long du mur et sortit.
    Dès qu’elle eut
franchi le seuil, les paupières de Richild se rouvrirent.
    Jeanne se déplaça
sans bruit de galerie en galerie, et finit par déboucher à l’air libre, dans la
cour. La tête lui tournait légèrement. Elle inspira une longue bouffée d’air.
    Le silence
régnait. Un guetteur solitaire était assis, dos au rempart, près de la porte.
Il ronflait, menton sur la poitrine. L’ombre de Jeanne, devant elle, était
grotesquement étirée par le clair de lune. Elle leva une main, et l’ampleur de
son geste la stupéfia.
    Aussi doucement
que possible, elle siffla Luc. Le veilleur bougea dans son sommeil. Luc n’apparut
pas. Tâchant de rester toujours enveloppée d’ombre, elle se dirigea vers l’endroit
où le loup dormait habituellement. Elle ne pouvait en aucun cas se permettre d’éveiller
le garde.
    Sans crier gare,
le sol se déroba sous ses pieds. Prise de nausée, elle dut s’appuyer contre une
colonne pour retrouver son équilibre.
    Elle traversa la
cour en luttant contre le vertige. Elle reconnut la silhouette de Luc au pied d’un
mur. Le jeune loup gisait sur le flanc. Ses yeux opalescents étaient fixes et
ouverts sur la nuit, sa langue pendait hors de sa gueule. Elle toucha l’animal,
et fut surprise de la froideur de son corps. Avec un petit cri, elle recula.
Son regard tomba sur un morceau de viande à demi dévoré, puis abandonné sur le
sol. Un insecte se posa sur la petite flaque de sang qui l’entourait. Il but, s’envola,
décrivit quelques cercles erratiques et retomba tout à coup. Ensuite, il ne
bougea plus.
    Un violent
bourdonnement envahit les tympans de Jeanne. Tout se mit à osciller autour d’elle.
Elle recula encore et fit demi-tour, mais les pavés se dérobèrent une fois de
plus, avant de lui sauter à la figure.
    Lorsqu’une paire
de bras vigoureux se referma sur elle pour la soulever de terre et la traîner à
l’intérieur du manoir, elle ne se rendit compte de rien.
     
     
    Le grincement des
roues faisait un contrepoint mélancolique au bruit des sabots des mules. Le
char, cahotant sur la route de la cathédrale, emmenait Jeanne vers sa messe de
noces.
    Ce matin-là, on
avait dû la secouer longuement pour la réveiller. Hébétée, elle avait laissé
sans réagir les servantes de Richild la vêtir et la coiffer.
    Mais à mesure que
les effets de la drogue se dissipaient, Jeanne avait recouvré la mémoire. C’est le vin. Elle revit Luc, gisant dans la nuit, et une boule se forma
dans sa gorge. Son ami était mort seul, sans réconfort ni compagnie. Il ne lui
restait plus qu’à espérer que ses souffrances avaient été brèves. Sans doute
Richild avait-elle pris du plaisir à empoisonner sa pitance. Consciente du lien
que le loup avait établi entre Jeanne et Gerold, elle l’avait toujours détesté.
    Richild avait
elle aussi pris place sur le char. Elle se tenait juste devant Jeanne,
splendidement vêtue d’une éclatante tunique de soie bleue. Ses cheveux noirs s’enroulaient
autour de sa tête, maintenus par une tiare d’argent incrustée d’éme- raudes.
Elle était très belle.
    Pourquoi
m’a-t-elle épargnée ?
    À chaque tour de
roue, le char s’approchait un peu plus de la cathédrale. Meurtrie dans sa chair
et dans son âme, seule et prise au piège, Jeanne regretta que sa rivale ne l’eût
point tuée.
     
     
    Les roues
heurtèrent bruyamment les pavés inégaux du parvis de la cathédrale, et le cocher
fit halte. Presque aussitôt, deux suivantes de Richild encadrèrent Jeanne. Avec
une solennité de circonstance, elles l’aidèrent à descendre du char.
    Une foule immense
était

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