La parfaite Lumiere
leva.
— Moi aussi, je dois prendre
congé du monde.
On entendait refouler des
sanglots. Ses paroles finales furent sévères, bien que pleines
d’affection :
— ... Pourquoi pleurer ?
Votre heure a sonné. A vous de veiller à ce que cette école progresse avec
honneur dans une ère nouvelle. Désormais, soyez humbles, travaillez dur et
tâchez de toutes vos forces de cultiver votre esprit.
Retourné à la salle de réception,
Tadaaki paraissait tout à fait calme tandis qu’il prenait un siège et
s’adressait à Kojirō. Après s’être excusé de l’avoir fait attendre, il lui
déclara :
— ... Je viens de chasser
Hamada. Je lui ai conseillé de changer de conduite, d’essayer de comprendre la
véritable signification de la discipline du samouraï. Bien entendu, j’ai
l’intention de relâcher la vieille femme. Voulez-vous la ramener, ou dois-je
prendre des dispositions pour qu’elle parte plus tard ?
— Je suis content de ce que
vous avez fait. Elle peut m’accompagner.
Kojirō fit mine de se lever.
Le combat l’avait complètement épuisé, et l’attente qui avait suivi lui avait
paru très, très longue.
— Ne partez pas encore, dit
Tadaaki. Maintenant que tout est fini, prenons une coupe ensemble, et enterrons
le passé.
Frappant dans ses mains, il
appela :
— Omitsu ! Apporte du
saké.
— Merci, dit Kojirō.
C’est aimable à vous de m’inviter.
Il sourit et dit avec
hypocrisie :
— ... Je sais maintenant
pourquoi Ono Tadaaki et le style Ittō sont tellement célèbres.
Il n’avait pas le moindre respect
pour Tadaaki. « Si ses talents naturels se développent dans le bon sens,
il aura le monde à ses pieds, se disait Tadaaki. Mais s’il prend la mauvaise
direction, un nouveau Zenki se prépare. »
« Si vous étiez mon
élève... » Tadaaki avait ces mots sur le bout de la langue. Au lieu de les
prononcer, il se mit à rire et répondit modestement à la flatterie de
Kojirō.
Au cours de leur conversation, le
nom de Musashi fut mentionné, et Kojirō apprit qu’il était question qu’il
devînt membre du groupe choisi des hommes qui donnaient des leçons au shōgun.
Kojirō se contenta de répondre :
— Tiens, tiens ?
Mais son expression trahissait sa
contrariété. Détournant vivement les yeux vers le soleil couchant, il assura
qu’il était temps pour lui de prendre congé.
Peu de jours après, Tadaaki
disparut d’Edo. Il avait la réputation d’être un guerrier simple, direct,
l’honnêteté et la modestie mêmes, mais un homme à qui manquait le sens
politique de Munenori. Ne comprenant pas pourquoi un homme qui semblait en
mesure de réaliser tous ses désirs fuyait le monde, les gens brûlèrent de
curiosité et donnèrent à sa disparition toutes sortes de significations.
Résultat de son échec, Tadaaki,
affirmait-on, avait perdu l’esprit.
Le pathétique des choses
Musashi déclarait que c’était la
pire tempête qu’il eût jamais vue.
Iori considérait avec regret les
pages trempées, lacérées, çà et là dispersées, et songeait tristement :
« Finie, l’étude. »
Les cultivateurs redoutaient
particulièrement deux journées d’automne : les deux cent dixième et deux
cent vingtième jours de l’année. C’était ces deux jours-là que les typhons
risquaient le plus de détruire la récolte de riz. Iori, plus sensible aux
dangers que son maître, avait pris la précaution d’assujettir le toit et de le
lester de pierres. Pourtant, durant la nuit, le vent avait arraché le toit, et,
quand il fit assez clair pour examiner les dégâts, il fut évident qu’il n’y
avait aucun espoir de réparer la cabane.
Se souvenant de son aventure à Hōtengahara,
Musashi partit peu après l’aube. En le regardant s’en aller, Iori pensa :
« A quoi donc est-ce que ça l’avancera de voir les rizières des voisins ?
Bien sûr, qu’elles sont inondées. Est-ce que sa propre maison ne signifie rien
pour lui ? »
Il fit un feu avec des morceaux
des murs et du plancher, et fit rôtir pour son petit déjeuner des châtaignes et
des oiseaux morts. La fumée lui piquait les yeux. Musashi revint un peu après
midi. Une heure plus tard environ, un groupe de fermiers portant d’épaisses
capes de paille contre la pluie arrivèrent pour présenter leurs remerciements – pour
l’assistance à un malade, pour avoir aidé à drainer l’inondation, pour nombre
d’autres services. Un vieil homme
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