La parfaite Lumiere
par déclarer :
— Dans le bouddhisme, il
existe un salut même pour ceux qui ont commis les dix mauvaises actions et les
cinq péchés mortels. Le cœur lui-même est l’illumination. Le Bouddha pardonne
aux méchants à la seule condition qu’ils ouvrent leurs yeux à sa sagesse.
— Est-ce que ça veut dire que
les guerriers loyaux et les méchants rebelles sont les mêmes après leur
mort ?
— Non ! dit avec force
Musashi. Un samouraï tient son nom pour sacré. S’il le souille, c’est à jamais
irrémédiable.
— Alors, pourquoi est-ce que
le Bouddha traite de la même façon les méchants et les serviteurs loyaux ?
— Parce que tous les êtres
humains sont fondamentalement les mêmes. Il y a ceux que l’intérêt personnel et
le désir aveuglent au point qu’ils deviennent rebelles ou brigands. Le Bouddha
accepte de n’en pas tenir compte. Il presse tous les hommes de recevoir
l’illumination, d’ouvrir les yeux à la vraie sagesse. Tel est le message d’un
millier de livres saints. Bien sûr, quand on meurt, tout devient vide.
— Je vois, dit Iori sans
vraiment voir.
Il médita la question durant
quelques minutes, puis demanda :
— ... Mais ça n’est pas vrai
pour les samouraïs, n’est-ce pas ? Quand un samouraï meurt, tout ne
devient pas vide ?
— Pourquoi dis-tu cela ?
— Son nom survit, n’est-ce
pas ?
— Certes.
— S’il s’agit d’un nom
mauvais, il reste mauvais. Si le nom est bon, même quand le samouraï se trouve
réduit à l’état d’ossements. Ce n’est pas ainsi que ça se passe ?
— Si, mais en réalité ce
n’est pas tout à fait aussi simple, dit Musashi en se demandant s’il réussirait
à satisfaire la curiosité de son élève. Dans le cas du samouraï, il y a ce que
l’on pourrait nommer le sentiment du pathétique des choses. Le guerrier à qui
cette sensibilité fait défaut ressemble à un arbuste dans un désert. Etre un
combattant puissant et rien de plus, c’est être pareil à un typhon. Il en va de
même pour les hommes d’épée qui ne pensent qu’épée, épée, épée. Un véritable
samouraï, un homme d’épée authentique, a un cœur compatissant. Il comprend le
pathétique de la vie.
En silence, Iori réarrangea les
fleurs et joignit les mains.
Deux baguettes de tambour
A mi-pente de la montagne, des
silhouettes humaines pareilles à des fourmis, qui grimpaient en procession
continuelle, étaient avalées par un épais cercle de nuages. Emergeant près du
sommet, où se trouvait situé le sanctuaire de Mitsumine, elles étaient
accueillies par un ciel dégagé.
Les trois pics de la montagne,
Kumotori, Shiraiwa et Moyōhōgatake, se tenaient à cheval sur quatre
provinces de l’Est. L’enceinte shinto comprenait des temples bouddhistes, des
pagodes, divers autres bâtiments et portails. Au-dehors s’étendait une petite
ville florissante avec maisons de thé, marchands de souvenir, les bureaux des
grands-prêtres, et les maisons de quelque soixante-dix fermiers dont les
produits étaient réservés à l’usage du sanctuaire.
— Ecoutez ! Ils ont
commencé à jouer des gros tambours, dit Iori, tout excité, en ingurgitant son
riz et ses haricots rouges.
Musashi, assis en face, savourait
son repas sans se presser. Iori jeta ses baguettes.
— ... La musique a commencé.
Allons voir.
— Ça m’a suffi la nuit
dernière. Vas-y seul.
— Mais ils n’ont donné que
deux danses, hier au soir. Vous ne voulez donc pas voir les autres ?
— Pas si ça oblige à se
presser.
Constatant que le bol en bois de
son maître était encore à moitié plein, Iori déclara d’un ton plus calme :
— Des milliers de gens sont
arrivés depuis hier. S’il pleuvait, ce serait navrant.
— Oui ?
Quand Musashi finit par
dire : « Nous y allons, maintenant ? », Iori bondit vers la
porte du devant comme un chien lâché, emprunta des sandales de paille et les
disposa sur le seuil à l’intention de son maître.
Devant le Kannon’in, le temple
secondaire où ils logeaient, et des deux côtés du portail principal du
sanctuaire, de grands feux de joie flambaient. Une torche brûlait à chaque
façade, et l’endroit tout entier, à plusieurs milliers de pieds au-dessus du
niveau de la mer, se trouvait éclairé comme en plein jour. Là-haut, dans un
ciel couleur de laque noire, le Fleuve céleste scintillait comme une fumée
enchantée, tandis que dans les rues des essaims
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