La parfaite Lumiere
philosophiquement. Il parlait avec douceur et son
regard était calme. En dépit de son arrogance, Nankōbō n’était pas
fou :
— Vous êtes de
l’extérieur ? demanda-t-il inutilement.
— Oui, répondit l’autre en
s’inclinant de nouveau.
— Attendez une minute.
Nankōbō voyait
clairement deux choses : sa technique était peut-être meilleure que celle
du prêtre. Il ne pouvait gagner à long terme. Bon nombre d’hommes de guerre
célèbres, vaincus à Sekigahara, se déguisaient encore en prêtres errants. Impossible
de savoir qui cet homme pouvait bien être.
— ... Je ne peux affronter
d’étranger, dit-il en secouant la tête.
— Je viens de demander le
règlement, et l’on m’a répondu que c’était possible.
— C’est peut-être possible
pour les autres, mais je préfère ne pas combattre d’étrangers. Quand je
combats, ce n’est pas dans l’intention de vaincre mon adversaire. Il s’agit
d’une activité religieuse où je me discipline l’âme au moyen de la lance.
— Je vois, dit le prêtre avec
un petit rire.
Il semblait avoir quelque chose à
ajouter, mais il hésitait.
Après l’avoir quelques instants
retourné dans sa tête, il quitta le cercle, restitua le sabre de bois et
disparut. Nankōbō choisit ce moment pour effectuer sa sortie, sans
tenir compte des commentaires chuchotés jugeant qu’il était lâche de sa part de
reculer. Escorté par deux ou trois disciples, il s’éloigna à grands pas
majestueux comme un général vainqueur.
— Qu’est-ce que je vous
disais ? fit Hyōgō.
— Vous ne vous trompiez pas.
— Cet homme est sans aucun
doute un de ceux qui se cachent sur le mont Kudo. Troquez sa robe blanche et
son écharpe contre un casque et une armure, vous aurez devant vous l’un des
grands hommes d’épée d’il y a quelques années.
Quand la foule s’éclaircit, Sukekurō
se mit à chercher autour de lui Ushinosuke. Il ne le trouva pas. Sur un signe
d’Iori, l’enfant s’était rendu à la pagode où maintenant ils se foudroyaient
l’un l’autre du regard.
— Ça ne sera pas ma faute si
tu es tué, dit Iori.
— Assez de grands mots,
répliqua Ushinosuke en ramassant un bâton pour s’en servir comme d’une arme.
Iori brandit son sabre et s’élança
à l’assaut. Ushinosuke bondit en arrière. Iori crut qu’il avait peur, et courut
droit sur lui. Ushinosuke sauta par-dessus lui en lui donnant un coup de pied à
la tempe. Iori porta la main à sa tête, et s’abattit par terre. Prompt à se
remettre, il se releva en un clin d’œil. Les deux garçons s’affrontaient,
l’arme haute.
Oubliant ce que lui avaient
enseigné Musashi et Gonnosuke, Iori chargea les yeux fermés. Ushinosuke
s’écarta légèrement, et le fit choir avec son bâton.
Iori gisait à plat ventre,
gémissant, le sabre encore en main.
— Ha ! j’ai gagné !
cria Ushinosuke.
Puis, constatant qu’Iori ne
bougeait pas du tout, il prit peur et s’enfuit.
— Non, tu n’as pas
gagné ! rugit Gonnosuke, dont le gourdin long de quatre pieds atteignit le
garçon à la hanche.
Ushinosuke tomba en poussant un
cri de douleur ; mais, sur un coup d’œil à Gonnosuke, il se releva et
détala comme un lièvre, pour se heurter la tête la première à Sukekurō.
— Ushinosuke ! Qu’est-ce
qui se passe, ici ?
Ushinosuke se cacha promptement
derrière Sukekurō, laissant le samouraï face à face avec Gonnosuke. Un
instant, il parut que l’affrontement était inévitable. La main de Sukekurō
se porta à son sabre ; Gonnosuke serra la sienne sur son gourdin.
— ... Auriez-vous la bonté de
me dire, demanda Sukekurō, pourquoi vous donnez la chasse à un simple
enfant comme si vous vouliez le tuer ?
— Avant de répondre,
permettez-moi de poser une question. L’avez-vous vu abattre ce garçon ?
— Il vous accompagne ?
— Oui. Celui-ci est-il un de
vos serviteurs ?
— Pas officiellement.
Il regarda Ushinosuke avec
sévérité, et lui demanda :
— ... Pourquoi donc as-tu
frappé ce garçon et t’es-tu enfui ? Allons, dis la vérité.
Ushinosuke n’eut pas le temps
d’ouvrir la bouche ; Iori leva la tête et cria :
— C’était un duel !
Il se mit avec peine sur son
séant, et précisa :
— ... Nous nous sommes battus
en duel, et j’ai perdu.
— Vous êtes-vous défiés l’un
l’autre selon les règles ? demanda Gonnosuke, une lueur amusée dans les
yeux.
Ushinosuke, très
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