La parfaite Lumiere
de
discours au temple.
— J’espère que viendra
bientôt le jour où je te confierai au maître. Je veux lui demander de me
guider, moi aussi. J’ai besoin d’en savoir davantage au sujet de la Voie.
— Quand donc crois-tu qu’il
reviendra ?
— Difficile à dire. Les
maîtres du Zen dérivent quelquefois à travers le pays comme un nuage durant
deux ou trois ans de suite. Maintenant que tu es ici, tu devrais prendre la
décision de l’attendre quatre ou cinq ans s’il le faut.
— Toi aussi ?
— Oui. Vivre dans cette allée
écartée, parmi des gens pauvres et honnêtes, est un bon entraînement – ça
fait partie de mon éducation. Ce n’est pas du temps perdu.
Après avoir quitté Edo, Musashi
avait traversé Atsugi. Puis, poussé par des doutes au sujet de son avenir, il
avait disparu dans les monts Tanzawa pour en ressortir deux mois après, plus
inquiet et hagard que jamais. Résoudre un problème ne faisait que le conduire à
un autre. Il était parfois si torturé que son sabre avait l’air d’une arme
tournée contre lui.
Parmi les possibilités qu’il avait
envisagées se trouvait le choix de la voie facile. S’il pouvait se résoudre à
vivre d’une manière confortable, ordinaire avec Otsū, la vie serait
simple. Presque tous les fiefs accepteraient de le payer assez, peut-être cinq
cents à mille boisseaux. Mais lorsqu’il se posait la question, la réponse était
toujours non. Une existence facile imposait des restrictions ; il ne
pouvait s’y soumettre.
A d’autres moments, il se sentait
comme perdu dans des illusions basses, lâches, ainsi que les démons affamés en
enfer ; alors, un temps, son esprit s’éclaircissait et il se vautrait dans
le plaisir de son fier isolement. Son cœur était le théâtre d’une lutte
continuelle entre la lumière et l’ombre. Nuit et jour, il oscillait entre
l’exubérance et la mélancolie. Il pensait à son art du sabre et en était insatisfait.
En songeant à la longueur de la Voie, à la distance qui le séparait de la
maturité, il était écœuré. D’autres jours, la vie à la montagne le
ragaillardissait et ses pensées s’égaraient vers Otsū.
En descendant dans la vallée, il
s’était rendu au Yuggōji, à Fujisawa, passer quelques jours, et de là à
Kamakura. C’était là qu’il avait rencontré Matahachi. Résolu à ne pas retomber
dans une vie d’indolence, Matahachi se trouvait à Kamakura en raison des
nombreux temples zen qu’on pouvait y trouver ; mais il souffrait d’un
sentiment de malaise encore plus profond que Musashi. Ce dernier le
rassura :
— Il n’est pas trop tard. Si
tu apprends à te discipliner, tu peux repartir à neuf. Il serait fatal de te
dire que les jeux sont faits, que tu n’es bon à rien.
Il se sentit contraint
d’ajouter :
— ... A vrai dire, je suis
moi-même dans une impasse. Quelquefois, je me demande si j’ai un quelconque
avenir. Je me sens complètement vide. On dirait que je suis emprisonné dans une
coquille. Je me déteste. Je me dis que je ne vaux rien. Mais en me punissant,
en me forçant à continuer, je réussis à sortir de ma coquille. Alors, un
nouveau chemin s’ouvre à moi... Crois-moi, cette fois, c’est un vrai combat. Je
me débats dans ma coquille, incapable de rien faire. Si je suis descendu des montagnes,
c’est que je me souvenais de quelqu’un qui, je crois, peut m’aider.
Il s’agissait du prêtre Gudō.
Matahachi répondit :
— C’est celui qui t’a aidé
quand tu as commencé à chercher la Voie, n’est-ce pas ? Ne pourrais-tu me
présenter et le prier de m’accepter comme disciple ?
Au début, Musashi ne crut guère à
la sincérité de Matahachi ; mais après avoir appris les ennuis qu’il avait
eus à Edo, il conclut qu’il était sincère. Tous deux s’enquirent de Gudō
dans un certain nombre de temples zen, mais n’apprirent pas grand-chose.
Musashi savait que le prêtre n’était plus au Myōshinji de Kyoto. Il
l’avait quitté plusieurs années auparavant pour voyager quelque temps dans
l’Est et le Nord-Est. Il savait également qu’il était un homme des plus
imprévisibles, qui pouvait se trouver à Kyoto, donnant des leçons de Zen à
l’empereur un jour, et le lendemain errer dans la campagne. On savait que Gudō
s’était arrêté plusieurs fois au Hachijōji d’Okazaki, et un prêtre suggéra
que c’était peut-être le meilleur endroit pour l’attendre.
Musashi et Matahachi
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