La parfaite Lumiere
vous voir d’Iwakuni. Elle ajoute que vous la reconnaîtrez en la voyant.
— Hum... C’est peut-être la
sœur cadette de ma mère.
— Quelle chambre dois-je lui
donner ?
— Je ne veux pas la voir. Je
ne veux voir personne... Ah ! je suppose que je le dois. C’est ma tante.
Conduis-la dans ma chambre.
L’homme s’éloigna, et Kojirō
appela par la porte :
— ... Tatsunosuke !
— Oui, monsieur.
Tatsunosuke entra dans la cage et
se mit sur un genou derrière Kojirō. Elève à demeure, il s’éloignait
rarement de son maître.
— Plus longtemps à attendre
maintenant, n’est-ce pas ? dit Kojirō.
— Non, monsieur.
— Demain, j’irai au château
saluer le seigneur Tadatoshi. Je ne l’ai pas vu, ces temps-ci. Après quoi, je
veux passer une nuit tranquille.
— Il y a tous ces visiteurs.
Pourquoi ne refusez-vous pas de les voir, de manière à bien vous reposer ?
— C’est là ce que j’ai
l’intention de faire.
— Il y a tant de gens par ici
que vous risqueriez d’être vaincu par vos propres partisans.
— Ne parle pas ainsi. Ils
affluent de partout... Ma victoire ou ma défaite dépendent de ce qui se passera
au moment fixé. Ce n’est pas entièrement une affaire de destinée, et
pourtant... Ainsi en va-t-il des guerriers ; quelquefois ils gagnent,
quelquefois ils perdent. Si Ganryū meurt, tu trouveras dans mon écritoire
deux testaments. Donne l’un d’eux à Kakubei, et l’autre à Omitsu.
— Vous avez rédigé un
testament ?
— Oui. Il convient à un
samouraï de prendre cette précaution. Autre chose : le jour du combat,
j’ai droit à un serviteur. Je veux que tu m’accompagnes. Viendras-tu ?
— C’est un honneur que je ne
mérite pas.
— Amayumi aussi, ajouta-t-il
en regardant le faucon. Pour moi, sur le bateau, ce sera un réconfort.
— Je comprends parfaitement.
— Bon. Maintenant, je vais
voir ma tante.
Il la trouva assise dans sa
chambre. Au-dehors, les nuages du soir avaient noirci comme de l’acier
nouvellement forgé qui vient de refroidir. La lumière d’une chandelle éclairait
la pièce.
— ... Merci d’être venue,
dit-il en faisant montre d’un profond respect.
Après la mort de sa mère, sa tante
l’avait élevé. A la différence de sa mère, elle ne l’avait pas gâté le moins du
monde Consciente de ses devoirs envers sa sœur aînée, elle s’était uniquement
efforcée de faire de lui un digne successeur de la lignée Sasaki, et un homme
remarquable en soi. Parmi tous ses parents, elle était celle qui avait prêté le
plus d’attention à sa carrière et à son avenir.
— Kojirō,
commença-t-elle avec solennité, il me semble que tu vas affronter l’un des
moments décisifs de ta vie. Tout le monde en parle au pays, et j’ai pensé qu’il
me fallait te voir au moins encore une fois. Je suis heureuse de constater que
tu es arrivé aussi loin.
En silence, elle comparait le
digne et riche samouraï qui se tenait devant elle avec l’adolescent qui avait
quitté son foyer sans autre chose qu’une épée. La tête encore inclinée,
Kojirō répondit :
— Que d’années que nous ne
nous sommes vus ! J’espère que vous me pardonnerez de ne pas vous avoir
donné de nouvelles. J’ignore si l’on considère ou non que j’ai réussi, mais je
n’ai nullement accompli tout ce que j’ai résolu d’accomplir. Voilà pourquoi je
ne vous ai pas écrit.
— Peu importe. J’ai sans
arrêt de tes nouvelles.
— Même à Iwakuni ?
— Mais oui. Là-bas, tout le
monde est pour toi. Si tu devais être vaincu par Musashi, toute la famille
Sasaki – toute la province – seraient couvertes de honte.
Le seigneur Katayama Hisayasu de Hōki, lequel est l’hôte du fief de
Kikkawa, se propose d’amener un groupe nombreux de samouraïs d’Iwakuni pour
voir le combat.
— Vraiment ?
— Oui. Ils seront
affreusement déçus, j’imagine, du fait qu’aucun bateau ne sera autorisé à
sortir... Ah ! j’oubliais. Tiens, je t’ai apporté ceci.
Elle ouvrit un petit paquet dont
elle tira un sous-vêtement plié. Il était en coton blanc ; dessus se
trouvaient inscrits les noms du dieu de la guerre et d’une déesse protectrice
adorée des guerriers. Un charme sanscrit avait été brodé sur les deux manches
par cent femmes favorables à Kojirō. Il la remercia et tint le vêtement
devant son front en signe de révérence. Puis il déclara :
— Vous devez être fatiguée
par
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