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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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connaissez mon nom, je suis
juive.
     Moi,
je ne le suis pas, dit Adolf, bien que je me fasse traiter de youpin
à cause de ma peinture.
     Ah
bon ? Vous n'êtes pas juif ? Adolf H. ? Je croyais...
     J'y
vois comme un reproche.
    Elle
rougit, embarrassée.
     Excusez-moi,
l'habitude. Je suis issue d'une famille sans doute excessivement
militante. Mon père est l'un des chefs du mouvement sioniste.
     C'est-à-dire ?
     Il
milite pour la création d'un Etat juif indépendant.
    Ces
considérations étaient à mille lieues des
pensées quotidiennes d'Adolf, tout entières absorbées
par son art et sa jalousie. Cela lui fit l'effet d'un changement
rafraîchissant.
    Il
continua à s'informer sur la situation politique allemande.
     Je sens que la République va se durcir à droite, ajouta
Sarah, une droite nationaliste qui contestera le traité de
Versailles. Mais je ne crains pas trop un dange r de
l'extrême droite, même si sa démagogie peut
trouver des oreilles.
     Pourquoi
?
     Ils
n'ont pas d'orateurs. La démagogie ne réussit que si
elle est pratiquée par un brillant tribun. Pas de séduction
sans séducteur. Qui y a-t-il à l'extrême-droite ?
Röhm ? Un militaire capable de mobiliser des soldats
nostalgiques, mais pas plus. Goebbels ? Il trop laid et trop arrogant
pour réussir.
     Cela
fait du bien d'avoir des nouvelles du pays, conclut Adolf H.
    Ils
se frayèrent un chemin pour se servir à manger au
buffet élisabéthain.
    Entre
deux aigrettes et un turban, Adolf aperçut Onze-heures-trente
en discussion animée avec un très beau page...
    Adolf
sentit son cœur s'arrêter.
    Lui
! Lars Ekström ! L'amant suédois ! Le danseur !
    Onze-heures-trente,
le rouge aux joues, semblait insister pour obtenir quelque chose de
lui. Elle jeta quelques coups d'oeil inquiets autour d'elle, il
sembla lui accorder ce qu'elle voulait, la prit par le bras et ils
disparurent en montant l'escalier.
    Adolf
songea qu'ils allaient chercher à se
réfugier dans une chambre pour...
     Quelque
chose qui ne va pas ? demanda Sarah.
    Il
sursauta. Fort heureusement, son maquillage nègre avait dû
dissimuler ses émotions. Il sourit.
     Non,
je songeais à quelque chose qui me ferait plaisir... et qui
vous concerne...
     Ah
oui ?
     Oui.
J'aimerais vous peindre.
     En
Ophélie ?
     En
Ophélie sortie du bain. En Vénus plus exactement.
    Sarah
devint pourpre.
     Vous
voulez que je me montre nue devant vous ?
     Oui
    ~  C'est
impossible. Je ne peux me montrer ainsi… qu'à un homme
avec qui je ferais l'amour.
     C'est
aussi ce que je voulais dire.
    Sarah
eut un haut-le-corps. Adolf ne lui laissa pas le temps
de s'indigner.
     Vous
ne voulez pas parce que vous êtes raciste ?
     Pardon
?
     Vous
ne voulez pas coucher avec un nègre ?
    Sarah
éclata de rire. Adolf continua en la couvrant je son regard
bleu pervenche.
     Ou
alors vous avez peur de ce que vous allez découvrir après
démaquillage ?
     Je
sais parfaitement à quoi vous ressemblez, monsieur Adolf H.
    A
l’insolence du ton, à l'éclat du regard, Adolf
comprit que ce qu'il venait de désirer n'était
peut-être pas impossible.

     Il
va abandonner la politique, c'est certain. Il est beaucoup trop
déprimé.
    L'éditeur
Adolf Müller et Joseph Goebbels regardaient avec tristesse la
silhouette cassée d'Hitler, qui, comme chaque jour, passait
plusieurs heures à fixer les eaux mornes et plates du lac
Tergern.
    Les
nuages stagnaient, se dédoublant à la surface,
immobiles, écrasants, pachydermiques. La nature s'était
figée. Même les oiseaux planaient sans avancer.
     Ma
femme, dit Müller, a peur qu'il ne joue les Louis II et qu'il ne
se noie. Je le fais surveiller en permanence. Il dort dans notre
chambre d'amis, je lui ai enlevé son arme et je l'entends
marcher toute la nuit.
     C'est
un grand malheur. Le Parti a plus que jamais besoin de lui. Il doit
se présenter à l'élection présidentielle.
     Faites
encore patienter les militants, dit Müller. Vous êtes le
seul, après lui, à savoir parler aux foules.
    Müller
n'éprouvait aucune sympathie pour Goebbels mais il devait
reconnaître que celui-ci avait le don d'éloquence ; il
n'avait pas le charisme d'Hitler mais il en possédait la
rhétorique et le savoir-faire faire.
    « Il
y a des physiques qui vous obligent à avoir talent »,
songea-t-il, en étudiant pour la vingtième fois
l'aberrante constitution du docteur Goebbels.
    L'anatomie
de Goebbels

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