Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
Vom Netzwerk:
aura plus d’ églises,
de temples, de synagogues mais seulement des opéras.
    A
la fin de la visite, très satisfait de ses propres
commentaires, il voulut à toute force donner un pourboire de
cinquante marks au concierge. Celui-ci refusa si fermement qu'on
frôla l'incident diplomatique. Il n'échappa à
l'arrestation qu'en assurant qu'il n'avait fait que son devoir.
    Les
trois Mercedes repartirent dans ce Paris qui ouvrait à peine
ses y eux,
rideaux de fer à demi rele vés,
cantonniers inond ant
les trottoirs vides, boulan gers
tirant une cigarette songeuse entre deux fournées.
    Le
convoi passa par la Madeleine, qui satisfit le goût d'Hitler
pour l'antique, emprunta les Champs-Elysées dont les
proportions lui semblèrent inférieures à son
nouvel axe est-ouest de Berlin, puis l'Arc de Triomphe, qui relança
la discussion entre Speer et lui sur le sien.
    Enfin,
après une hal te
intriguée devant la tour Eif fel,
Hitler se rendit aux Invalides pour se recueillir devant le tombeau
de Napoléon.
    Là,
il fut saisi d'une émotion si intense qu'elle avait les
résonances d'un pressentiment. Un jour, lui aussi, Adolf
Hitler, aurait, comme Napoléon, un sanctuaire froid et
marmoréen aux dimensions impressionnantes, un tombeau démesuré
devant lequel les hommes se tairaient, vaincus, minuscules, terrassés
par l'évidence de la vraie grandeur. U n
petit Corse et un petit Autri chien
! Curieux ! Les grands hommes des grands pays naissent toujours
petits dans leurs petites annexes. Napoléon, son frère,
il lui pardonnait même d'avoir été français.
Devant la tombe de l'Empereur, Hitler jouissait de son propre culte,
il imaginait l'effet qu'il ferait aux simples touristes du monde
entier pour les siècles à venir. Il en sortit enchanté
et très satisfait de lui-même.
    Il
eut encore des réserves d'enthousiasme pour le Panthéon,
ce temple païen des grands hommes, mais bâilla devant la
place des Vosges, le Louvre et la Sainte-Chapelle. Il se réanima
devant l'église du Sacré-Cœur, à
Montmartre, qui lui offrait un panorama d'aigle sur Paris.
    Cependant
il fallait partir car les Parisiens sortaient enfin de chez eux et le
reconnaissaient.
    Dans
l'avion, il se pencha affectueusement vers Speer.
     C'était
le rêve de ma vie de pouvoir visiter Paris. Je suis vraiment
très heureux de l'avoir réalisé aujourd'hui.
    Puis
il fronça les sourcils et réfléchit à
voix haute :
     Nous
devons reprendre immédiatement les travaux à Berlin.
Préparez un décret. Soyons clair, Speer, Paris est plus
majestu eux
que Berlin et c'est intolé rable.
Au travail ! Quand nous aurons fini Berlin, Paris ne sera plus qu'une
ombre, une vitrine de musée, un souvenir archéologique,
un ornement obsolète qui témoignera d'une époque
dépassée, quelque chose comme une ville italienne...
     Vous
avez raiso n,
mon Führer. Vous êtes un pro tecteur
des arts et des artistes.
     Je
m'étais demandé, il y a quelques jours, si je ne devais
pas détruire Paris. J'ai renoncé à cette idée.
C'est en faisant Berlin plus beau que nous allons réel lement
anéantir Paris.

    Malgré
ses efforts et ses concessions, Adolf H. n'arrivait pas à
trouver grâce aux yeux de son beau-père, Joseph
Rubinstein. Les grands yeux bleu délavé du vieillard
n'exprimaient que l'ennui lorsque, par hasard, ils se posaient sur
lui.
     Moi,
à ta place, disait Sarah en haussant les épaules, je
n'essai erais
même plus. Même en le cou vrant
d'amabilités et de cadeaux, tu n'arriveras jamais à
compenser ton infirmité fondamentale.
     Quoi
? Quelle infirmité ?
     Tu
n'es pas juif.
    Ses
rapports à sa belle-famille en revenaient toujours là.
Quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise, quel que fût le bonheur de
Sarah, si réussis que fussent leurs enfants, Adolf restait
marqué d'une tare indéfectible : il n'était
pas juif, il n'était pas né comme il faut.
    Lors
des réunions de famille, sous l'œil du patriarche Joseph
Rubinstein que ses nattes et sa barbe rendaient encore plus
impressionnant, Adolf faisait l'épreuve de la transparence.
Les regards le traversaient sans être retenus un
seul instant par sa présence ou sa densité physique. Il
se sentait effacé de la toile. Même la douce Myriam
était gagnée par la cécité de son mari.
C’était d’autant plus fascinant que les
démonstrations d'affection allaient et volaient comme des
balles de tennis dans la
pièce, baisers, cadeaux, exclamations, marques de possessivité
— «

Weitere Kostenlose Bücher