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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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l'hécatombe
soulignait son statut d'exception.
    Mussolini,
vieilli, affaibli, revenu de tout, épuisé, ne sachant
plus très bien ce qu'il faisait là, destitué du
pouvoir par le peuple italien, emprisonné, délivré
par Hitler, maintenu de force par les Allemands à la tête
de la petite république de Salo au nord de l'Italie, demanda à
l'interprète pourquoi Hitler vociférait ainsi.
     Le
Führer a eu les tympans crevés par l'explosion.
     Le
sait-il ?
     Personne
n'ose lui en parler.
    Mussolini
hocha la tête. Ce ne serait pas lui non plus qui allait prendre
ce risque.
    Hitler
vit, aux mouvements des lèvres, que Mussolini et Schmidt
discutaient.
     Eh
bien, Schmidt, qu'est-ce qui vous prend ? Vous avez des
conversations privées avec le Duce !
     Je
lui donnais des nouvelles rassurantes de votre santé, mon
Führer, trompeta Schmidt.
     Je
vais très bien, merveilleusement bien, juste des égratignures.
    Il
se leva et tourna fièrement sur lui-même pour prouver sa
forme. On aurait dit qu'il venait de s'inventer.
    Mussolini
remarqua alors que les yeux d'Hitler roulaient sur la droite.
D'ailleurs, tout son corps penchait du même côté.
     Sans
doute l'oreille interne, dit Mussolini, pensif, à Schmidt.
     Comment
? gueula Hitler.
     Vous
êtes en grande forme !
    Hitler
sourit.
     Mon
cher Duce, cet attentat m'a redonné un coup de jeunesse. Il
prouve que la Providence veille sur moi et qu'elle me protégera
tant que je n'aurai pas achevé ma mission. Nous devons garder
un moral inébranlable malgré les difficultés
provisoires que nous traversons. Les Alliés sont beaucoup plus
divisés qu'on ne le dit et je ne crois pas que leur entente
tiendra longtemps. Comment l'Angleterre et les Etats-Unis
pourraient-ils rester solidaires de l'Union soviétique ? Les
libéraux avec des bolcheviques ? Ils vont bientôt
comprendre.
    Mussolini
faillit lui rappeler que lui, Hitler, avait été pendant
quelques mois l'allié de Staline. Il se tut.
     L'Allemagne
vient d'essuyer quelques revers à l'est, les Américains
ont débarqué en France mais nous tiendrons. J'ai été
très mal secondé par des généraux et des
commandants qui ne méritaient pas leur poste, mais je suis en
train de tout reprendre en main moi-même. La preuve !
Savez-vous qui je suspecte dans cet attentat ? Le colonel Claus
Schenk, comte von Stauffenberg : il a quitté la table une
demi-heure avant l'explosion et s'est enfui en voiture. L'armée
! Toujours l'armée ! Je n'ai subi des revers qu'à cause
de l'incompétence des militaires ou de leur trahison. Mais
j'ai une grande confiance en l'avenir. Au fait, avez-vous vu mon
pantalon ?
     Pardon
?
     Schmidt,
montrez mon pantalon au Duce.
    Paul
Schmidt, très gêné, sortit d'un sac le pantalon
déchiqueté que portait Hitler au moment de l'attentat.
Il le déplia, l'étendit et l'exposa au Duce qui dut
s'émerveiller devant chaque trou et chaque déchirure
     Admirable,
n'est-ce pas ? brailla Hitler à l'oreille de Mussolini.
    L'Italien
approuva en connaisseur, comme s'il avait soupesé une nouvelle
arme.
     Et
si vous voyiez mes sous-vêtements ! vagit Hitler.
    Il
prit le Duce par le bras pour retourner au bunker. Le sol collait aux
bottes, Mussolini soutenait Hitler qui pesait de tout son poids sur
lui sans en avoir conscience.
     Oui,
mon cher Duce, nous venons de subir quelques épreuves pour
notre volonté mais nous en triompherons. J'attends beaucoup
des armes miracles qui vont prochainement sortir de mes usines. Le
professeur Willy Messerschmitt a mis au point un avion à
réaction qui pourra aller jusqu'à huit cents kilomètres
par heure et enfoncera les appareils ennemis. Mais le plus
enthousiasmant sera la fusée A 4, une fusée à
longue portée mise au point par le génial von Braun,
qui pourra nous permettre, avec le programme Kuschkern, d'anéantir
totalement Londres. Vous dites ?
     Mais
rien.
     Pardon
?
     Formidable
!
     Oui,
formidable. Epoustouflant. Décisif. Churchill va bientôt
rôtir comme un poulet.
    Mussolini
soupira, à bout de patience, éreinté par le
poids de son compagnon, assommé par ses vociférations.
     Je
vous aime, Mussolini, et je vous admire. Sans vous comme exemple, je
ne serais peut-être pas monté à l'assaut de
l'Allemagne. Sans Mussolini, pas d'Hitler.
     Et
puis sans Hitler pas de Mussolini, hurla le Duce, pensant avec
tristesse à son minuscule pouvoir maintenu artificiellement
par les Allemands.
    

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