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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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ma
sépulture ? »
     Christa
! Johanna !
    Ses
secrétaires arrivèrent, la mine livide.
     Allons,
ne soyez pas si tristes. Mieux vaut partir ainsi que d'accepter le
déshonneur.
     Mon
Führer, nous venons de recevoir un télégramme au
sujet de Mussolini.
     Eh
bien ?
     Il
est mort.
     Ah...
    Hitler
était bien trop préoccupé par lui-même
pour avoir de la peine. Il voulut se débarrasser de cette
conversation et des mines attristées de ses secrétaires.
     Et
de quoi ?
     Lui
et sa maîtresse, Clara Petacci, ont été pendus
d'une manière horrible, la tête en bas, et la populace
leur a jeté des pierres.
    Hitler
frémit. Et si les Russes s'en prenaient aussi à sa
dépouille mortelle ? Il fallait qu'il prît ses
précautions. Aux secrétaires effarées, il
expliqua qu'on devrait les brûler, lui et Eva Braun, sitôt
qu'ils se seraient supprimés. Ensuite, on récupérerait
précieusement leurs cendres pour la sépulture grandiose
que l'avenir leur réservait sans doute. Mais qu'on les
incinère vite. Les corps dans la cour, arrosés
d'essence, une allumette ! Il ne supporterait pas qu'on s'amuse avec
son cadavre ! On
ne me capturera ni vivant ni mort. On ne capturera rien de moi.
    A
minuit, la cérémonie de mariage eut lieu dans le
bunker. Attendrie par la joie d'Eva qui annonçait à
tout le monde qu'elle allait enfin avoir sa nuit de noces, la
secrétaire Christa lui avait offert ses derniers flacons de
décolorant afin qu'Eva pût être blond platine dans
sa jolie robe bleue.
    Eva
éclatait de bonheur. Elle avait toujours aimé Adolf
Hitler mais n'avait jamais pu être certaine qu'il l'aimait.
Pour elle, ce mariage en était la preuve.
    Dans
l'abri secoué par les explosions, devant un conseiller
municipal vêtu d'un uniforme nazi qui s'appelait Wagner, Adolf
Hitler et Eva Braun échangèrent leurs serments de
fidélité éternelle. Puis l'entourage félicita
les jeunes mariés, on fit sauter les bouchons de champagne et
l'on trouva des petits gâteaux.
    Goebbels
arriva à quatre heures du matin, très ému, les
joues ruisselant de larmes en annonçant que sa femme et ses
enfants venaient s'installer avec eux au bunker et les suivraient
dans la mort.
    Hitler
fut très touché par le geste.
    Il
alla embrasser les six petits « H », Helga, Hilde,
Hellmut, Holde, Hedda et Heide, qui ne se doutaient de rien et qui
n'en revenaient pas, si jeunes — ils avaient entre quatre et
douze ans —, d'avoir le droit de veiller ainsi avec les grandes
personnes. Hitler joua et plaisanta un peu avec eux avant de se
retirer. Il songeait en rejoignant sa chambre nuptiale que, tout
seul, sa fin évoquait Rienzi, qu'avec
Eva elle s'élevait à Tristan
et Isolde et
qu'avec l'adjonction des « H »» elle
rejoignait Le
Crépuscule des dieux.
    Eva
et lui se livrèrent aux gestes que la fatigue et la noce leur
autorisaient. Hitler, pour une fois, s'endormit sans sédatif.
    A
sept heures, il fut réveillé par un doute. Et si les
ampoules de poison avaient été trafiquées ?
Un complot ?
    Il
réveilla Eva.
     Eva,
j'ai besoin de vérifier que l'ampoule que tu avaleras
fonctionne bien. Imagine que...
    Eva
n'arrivait pas à comprendre ce qu'on pouvait imaginer de pire,
mais elle tenta de calmer son époux.
     Eva,
tu ne comprends pas. Tout le monde ment. Tout le monde triche. Tout
le monde trahit. Qu'est-ce qui me prouve que les ampoules d'acide
prussique que nous a données le docteur Stumpfegger, ce
traître, fonctionnent bien ? Blondi ! Oui ! Il faut que
j'essaie sur Blondi.
    Il
appela la chienne qu'il adorait, sans doute l'être auquel il
avait donné le plus d'affection sur cette terre, la fit
maîtriser par ses hommes, lui fit ouvrir de force les mâchoires
et écrasa la capsule d'acide prussique entre ses dents.
    Blondi
s'effondra à l'instant sur le sol.
    Loup,
son chiot, vint renifler sa mère sans comprendre pourquoi elle
ne bougeait plus. Une forte odeur d'amande, caractéristique de
ce poison, s'échappa du corps. Cela fit reculer le petit Loup
qui, effrayé, s'enfuit en poussant des plaintes aiguës.
    Hitler
contempla la scène sans rien dire puis alla s'enfermer dans
son bureau. Il ne voulait pas qu'on le vît pleurer.
    Il
décida de s'accorder encore cette journée. Après
tout, peut-être l'Armée rouge allait-elle reculer ?
Peut-être...
    Ses
aides de camp vinrent faire le point avec lui : la débâcle
était telle qu'Hitler ne trouva rien à dire. Il se
coucha en murmurant à Eva

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