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La Part De L'Autre

Titel: La Part De L'Autre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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la moquerie qui faisait partie de son caractère
léger allait lui faire perdre son sérieux. Dans deux
secondes, il allait pouffer... Il sortit son mouchoir de sa poche et
fit semblant d'éternuer.
A
vos souhaits mon adjudant.
    Cet
Hitler avait vraiment le don des phrases idiotes : « A vos
souhaits, mon adjudant. » Du coup, Gutmann éternua
encore une fois.
Merci,
estafette Hitler. Vous pouvez vaquer.
Vous
avez perdu ça, mon adjudant.
    Hitler
se baissa pour ramasser un bout de tissu qui était tombé
de la poche de l'adjudant sur le carrelage. Il reconnut une kippa.
    Gutmann,
confus, agrippa sa calotte et la fit disparaître. Il ne tenait
pas à ce que ses hommes connaissent son origine. C'était
en tant qu'Allemand qu'il les dirigeait, pas en tant que Juif. Il y
avait suffisamment de racisme spontané dans les classes
populaires pour que cela pût entamer son autorité.
    Il
regarda Hitler qui souriait toujours, pas du tout troublé par
ce qu'il venait de découvrir. « Une chance ! Je ne suis
pas tombé sur un antisémite ! Hitler est une sorte de
mécanique inhumaine, mais il n'est pas antisémite. »
    — Merci.
Vous pouvez disposer. Bien sûr, tout ce qui s'est dit dans ce
bureau doit rester confidentiel. Je parle de ma proposition pour la
Croix de fer, naturellement.
    Lorsque
Hitler rejoignit son chien, il semblait que celui-ci avait déjà
compris que son maître allait avoir la Croix de fer : il lui
faisait la fête. Hitler lui raconta dans l'oreille plein de
détails sur son entrevue, puis il vanta les mérites de
l'adjudant Gutmann. Comme Hitler aimait l'armée, il était
amoureux de l'adjudant Gutmann, incarnation parfaite de l'officier,
beau, élancé, puissant, la voix vibrante, le verbe
élégant. Comme d'habitude, Foxl lui accordait une
attention un peu désordonnée, mais il semblait être
de son avis.
    Hitler
se réjouissait d'autant plus qu'il venait d'achever les trois
jours de repos imposés aux agents de liaison et que, dès
le soir, il repartait en mission pour trois nuits.
    Pour
se préparer à l'assaut, il sortit son petit carnet
olive et révisa ses additions. Depuis le début des
hostilités, il avait tenu les comptes de son régiment :
plus de quatre-vingts pour cent des hommes étaient morts. Ils
étaient arrivés trois mille six cents. Ils demeuraient
six cent onze. Certes, il y avait des morts qu'il faudrait décompter,
résultat d'une erreur : les régiments de Saxe et du
Wurtemberg avaient tiré sur les Munichois en les prenant pour
l'ennemi anglais.
    Bavure.
On n'allait pas leur en vouloir plus que çà D'ailleurs,
ceux qui devaient être le plus furieux — les cadavres —
n'étaient plus en état de protester. Tout de même.
La saignée était importante. Or ce qui fascinait le
plus Hitler, ce n'était pas la perte, mais ce qui restait. Ou
plutôt qui restait.
    Il
avait échappé à tous les dangers. Comment se
faisait-il que les balles ne l'atteignaient jamais ? Pourquoi les
projectiles jaillissant des fusants passaient-ils toujours à
côté de lui ? Pourquoi les obus l'évitaient-ils
aussi ? Il était bien obligé, à force, de se
poser la question.
    Deux
semaines plus tôt, en plein jour, alors qu'il se trouvait assez
loin du front, près de l'état-major de Fromelles, alors
que le bombardement, assourdi, semblait être assez mou, il
s'était dirigé vers la voiture du colonel List pour
l'examiner. Le chauffeur, allongé dans l'herbe à vingt
mètres du véhicule, l'interpella en chemin. Hitler
s'arrêta, discuta trente secondes. Un obus détruisit la
voiture. A l'endroit même où il aurait été
censé se trouver s'il n'avait pas répondu au chauffeur,
il n'y avait plus que des débris de tôle, des pièces
de moteur éparses et une fumée noirâtre qui
montait des pneus en feu.
    Hasard
?
    Quelques
nuits plus tard, comme, accompagné de Schmidt et Bachmann, il
courait entre les tranchées pour transmettre un ordre, fut-ce
par hasard, aussi, que l'incroyable se produisit ? Le tourbillon de
feu n'épargnait personne. La terre tremblait sous les
pulsations des canons. Des étincelles crépitaient dans
l'obscurité. Des stridences déchiraient l'air et
venaient planter l'acier dans les arbres et les chairs. Les trois
estafettes, à tout instant, se plaquaient contre le sol, les
épaules et la tête sous le sac, en faisant la tortue.
Ils subissaient un tir groupé : fusants et percutants les
rasaient en rafales. Hitler roula sur le côté droit. Une
seconde à l'avance, il

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