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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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rajouta :
    — Les casseurs de bouteilles vont continuer le voyage sans être inquiétés alors que ce sont eux les premiers coupables, les seuls coupables. Ce sont des inconscients ! Ça aurait pu être dramatique. On ne sait jamais, si ça avait heurté un hublot et brisé une vitre. L’eau aurait pu s’infiltrer sans que personne ne s’en aperçoive !
    Sophie frissonna d’une terreur rétrospective. Sa peur des grands océans resurgit. La vision apocalyptique d’un naufrage s’engouffra dans son cerveau, et dans ce contexte pourtant peu crédible du France coulant à cause d’une bouteille et d’un hublot cassé, le frère de Chantal lui apparut comme un sauveur. Quant à ses amis, et elle-même qui n’avait pas eu l’idée de les arrêter sur la terrasse, ils n’étaient plus à ses yeux que de très dangereux irresponsables.
    — Comptez sur moi, dit-elle d’une voix émue. Je vous aiderai, je vous en fais la promesse. Je vais aller parler au commandant pour votre frère, tout lui expliquer.
    Tout expliquer ! Chantal, qui s’était crue sauvée la seconde d’avant, était maintenant effrayée.
    — Non ! Surtout pas ! Il ne faut rien dire.
    — Pourquoi ? reprit Sophie, surprise de cette volteface. Comment comptez-vous faire si vous ne vous expliquez pas ? Il faut dire la vérité. C’est la seule façon de protéger la situation de votre frère.
    C’était mal parti pour demander à Sophie de mentir et de convaincre l’officier. Chantal ravala sa demande. Mais d’où sortait cette passagère pour croire qu’il suffisait de dire la vérité pour qu’éclate la justice ? Qui était-elle, qui croyait qu’elle serait entendue et comprise ? Elle ignorait donc tout de la vie, elle était trop naïve. Chantal savait, pour l’avoir vécu, qu’on se compliquait rarement à chercher la vérité. S’il y avait une victime, il fallait au plus vite un coupable. Ce serait Gérard et ça résoudrait tout. Le France devait continuer sa route sans le moindre incident.
    Chantal regardait maintenant Sophie la toiser l’air buté, et elle regrettait amèrement son initiative. Andrei avait vu juste. Ce serait une parole contre une autre. Seul le mensonge aurait sauvé Gérard. Maintenant il fallait qu’elle répare sa bêtise et que cette passagère accepte d’oublier tout ce qu’elle lui avait raconté. Il ne restait plus que cette solution.
    — Puis-je vous demander alors de ne pas faire part de ma démarche et d’oublier tout ce que je vous ai dit ?
    Décidément, Sophie n’y comprenait rien de rien. Au lieu de profiter de son aide et de son témoignage qu’elle jugeait précieux, la serveuse les refusait.
    — Je vous en prie.
    Elle insistait et sa voix s’était faite suppliante. Ébranlée, Sophie accepta. Après tout, se disait-elle, si cette histoire est vraie, les premiers coupables c’était Béatrice et le photographe avec les bouteilles, et puis, cette fille était compliquée mais elle avait quand même l’air sincère. Son frère était certainement innocent et toute cette affaire n’était qu’une succession de mauvais événements.
    — C’est d’accord, dit-elle, je ne dirai rien.
    Elle lut le soulagement sur les traits de Chantal, et elle en éprouvait tout autant. Elle n’avait aucune envie de commencer ce voyage par des histoires compliquées, et elle avait horreur de ce qu’elle appelait des « embrouilles ».
    Chantal s’éloigna après l’avoir remerciée.
    — Zut ! fit Sophie qui se retrouvait seule dans une coursive interminable. Maintenant je ne sais même pas où aller pour le petit déjeuner. Quelle idiote, j’aurais mieux fait de demander à cette fille de m’y conduire. Elle me devait bien ça après tout le temps qu’elle m’a fait perdre !
    Et elle partit à la recherche d’un ascenseur en râlant, convaincue d’être trop sensible aux affaires des autres et se jurant de ne plus se faire avoir. Décidément, avec ces contrariétés successives, ce voyage ne se passait pas du tout comme prévu.

 
    20
    Quand elle entra dans la salle du petit déjeuner, ouverte sur la mer, après une longue quête dans d’interminables coursives et ponts, son visage s’éclaira. Là, tout n’était que délices. Sur la longue table du buffet, les mets s’alignaient, opulents et divers. Fruits, laitages, thés et cafés aux couleurs du monde, chocolats et viennoiseries tout juste sorties des fours, pains croustillants, beurre onctueux,

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