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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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tentait encore de minimiser. Mais au lieu de reconnaître son erreur, il tentait de faire croire qu’il était toujours resté maître de la situation. En fait, il n’en menait pas large, et les deux autres non plus. Ils proposèrent de ramener Sophie à sa cabine pour qu’elle se change et que la fête continue, mais Béatrice les envoya promener. Ce qui donna au photographe l’occasion de se tirer d’affaire, entraînant ses amis pour trouver des passagères agréables et moins compliquées.
    Béatrice aurait pu le foudroyer sur place qu’elle n’eut pas hésité une seconde. Mais il fallait s’occuper de Sophie qui était bien mal en point. Elle la ramena à la cabine, la frictionna, lui prépara un bain bien chaud et fit monter un lait bouillant avec du miel. Et quand Sophie fut enfin allongée dans son lit, remise de ses émotions, elle en tremblait encore.
    — Tu sais, lui dit-elle, ce qui était terrible c’est que je n’arrivais pas à faire comprendre aux autres que tu étais réellement en danger. Ils me disaient tous que ce n’était qu’une blague. J’ai eu du mal à les convaincre.
    Jamais Sophie n’aurait cru que Béatrice pourrait se montrer aussi éprouvée de quelque chose qui lui arrivait. Elle en fut touchée. Béatrice ne l’avait pas habituée à s’inquiéter pour quiconque. Ce qui ne gênait pas Sophie outre mesure et qui, jusqu’alors, lui convenait même parfaitement. Elle était comme elle. Les autres n’entraient dans son champ de vision que s’ils avaient quelque chose à y faire, ce dont elle seule décidait. Ainsi, cette Chantal, qui avait tenté une percée en jouant sur sa fibre sensible et avait failli aboutir, s’était-elle vue balayée sans plus d’états d’âme que ça la seconde d’après. Mais ce soir, dans cette tempête, face au danger et à l’inconscience, une autre Béatrice venait de se découvrir. Bien que personnellement blessée par l’attitude de ce photographe, elle avait dépassé ses rancoeurs sans l’ombre d’une hésitation pour aller au secours de Sophie.
    — On frappe.
    — Quoi ? Je n’ai rien entendu, tu es sûre ?
    Deux coups discrets se firent entendre. Béatrice avait raison.
    — Je vais voir, dit-elle. Je te parie que ce sont les autres, ils viennent aux nouvelles pour s’excuser. Comme s’ils étaient excusables ! Reste couchée, je vais leur dire que tu vas très, très mal, comme ça ils passeront une mauvaise nuit.
    — N’en fais pas trop quand même.
    — Comment ça, n’en fais pas trop ! Ils mériteraient bien pire. On devrait les virer immédiatement du navire. Ils ont de la chance qu’on soit en pleine mer et qu’on ne puisse pas faire de scandale.
    Béatrice se faisait encore quelques illusions sur la lucidité de ses collègues qui, au moment même où elle parlait, avaient tout simplement repris le cours de leur soirée arrosée. Le visiteur tardif qui venait de frapper à la porte de leur cabine n’était autre que l’Académicien.
    — Ah, c’est vous, dit Béatrice, contrariée.
    — Je vois, dit-il sans illusion. Vous attendiez nos amis, sans doute.
    — Euh... non.
    — Vous auriez pourtant de bonnes raisons. Je suis au courant de ce qui s’est passé.
    L’Académicien lui expliqua qu’après avoir joué au bridge avec les Américains, il était passé au bar de l’Atlantique pour s’excuser de cette invitation au dîner « encore ratée ». C’est là qu’il avait appris ce qui s’était passé sur la terrasse.
    — Pour nos amis, dit-il, sachez que l’affaire est classée. Ils avouent avoir un peu exagéré, mais ils sont très loin d’en être convaincus. Ils affirment que ce n’était qu’une blague sans gravité et que vous en avez rajouté dans le pathos et dans le drame pour vous faire plaindre.
    — Comment ! Nous faire plaindre alors qu’on est parties aussitôt pour ne pas faire d’histoires, alors qu’on aurait pu rester et leur créer de sérieux problèmes !
    — Vous avez bien fait de partir. Il valait mieux ramener Sophie au chaud. Mais sachez qu’eux ne se font aucun souci. Votre soupirant d’hier soir était même parfaitement remis. Il fêtait encore ça « à la russe » tout seul sur la terrasse.
    — Non !
    — Hélas !
    L’Académicien avait l’air si furieux après les confrères que Béatrice, qui l’avait jusqu’alors laissé dans l’entrée l’introduisit dans le salon pour voir si Sophie ne s’était pas endormie, et

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