La Perle de l'empereur
au garage mais il y avait un homme armé en sentinelle aux deux entrées, celle du perron et celle de l’arrière, et pour les atteindre il fallait avancer en terrain découvert.
— Il faudrait pourtant entrer là-dedans, fit Walker.
— Il y a une solution, dit tranquillement Adalbert. Par le toit !
— Ce hérissement de clochetons, de créneaux et de pentes ardoisées ? Vous êtes fou !
— Clochetons ou pentes ardoisées ont des petites fenêtres ou des lucarnes, donnant sur des greniers en général. Jamais fait d’alpinisme ?
— Jamais, non. J’ai le vertige !
— Gênant ça ! Moi si ! J’ai commencé avec les Pyramides et la Vallée des Rois.
Il n’ajouta pas que, lorsqu’il travaillait pour le Deuxième Bureau, il lui était arrivé de grimper le long de bâtiments tout aussi rébarbatifs. Et même plus ! Dire qu’il y avait des gens pour dire du mal du style « troubadour » ! Escalader cette horreur tarabiscotée ne devait pas être au-dessus de ses moyens.
— On va se partager le travail ! Moi je grimpe là-haut et vous vous postez dans les fusains que vous voyez là-bas, de façon à surveiller la sentinelle de l’arrière. Quant à Théobald il va rester sur le mur pour garder l’échelle que je vais demander, la tenir à disposition et faire le guet.
— Et moi, grogna Karloff, je ne fais rien ?
— Vous tenez compagnie à notre hôte et vous gardez votre taxi prêt à démarrer au cas où il faudrait prendre le large. Et maintenant, Messieurs au travail ! La Tronchère, trouvez-moi une échelle !
L’échelle servit à franchir le mur mitoyen à peu près à égale distance des angles de la maison, de façon à être hors de vue des gardiens. Adalbert passa le premier, sauta à terre sans faire le moindre bruit. Martin le suivit courageusement étant donné sa tendance au vertige et, pour le combattre, se laissa tomber bravement les yeux fermés. Théobald ferma la marche plus calmement en prenant soin de tirer l’échelle côté La Tronchère. Après quoi chacun s’en alla, en prenant mille précautions et sur la pointe des pieds, vers l’objectif qui lui était assigné. Du haut du mur, Adalbert avait déjà examiné le versant de la maison qu’il voulait escalader, repéré au-dessus des grosses pierres en relief qui formaient la base, ici une corniche, là un balcon, qui lui simplifieraient la tâche, sans compter un superbe tuyau de descente des eaux. Mais, une fois à pied d’œuvre, il vit les choses autrement et se demanda si ce serait aussi facile qu’il l’avait imaginé. Pourtant un atout supplémentaire se présentait : au second étage – le premier était très élevé – une tourelle vitrée venait de s’allumer. Elle lui éclairait du même coup le chemin. Après avoir enfilé des gants de daim qui protégeraient ses doigts, il s’élança à l’assaut de la maison.
Le début fut encourageant : les parpaings de la base se montrèrent conciliants et le grimpeur atteignit sans difficultés majeures le premier balcon d’une large fenêtre obscure qui devait donner sur une pièce de réception quelconque, mais au-dessus le mur était lisse en dépit des tarabiscotages prétendument médiévaux qui ornaient ladite fenêtre. Heureusement, il découvrit une haute colonne proche du tuyau de descente, destinée sans doute à le rendre moins laid en l’aidant à se fondre dans l’ensemble. Alors il enjamba la colonne, s’arc-bouta entre les deux « ornements » et, conscient qu’un faux mouvement pouvait le précipiter à terre, il reprit son ascension. Elle se fit plus lente, plus pénible aussi parce que la peur s’y mêlait. Il devait choisir soigneusement les points d’appui de ses mains et de ses pieds. Il eut l’impression que cela allait durer l’éternité avant d’atteindre le second balcon orné de trèfles évidés comme sur les rambardes de Notre-Dame de Paris. Il voyait de mieux en mieux à mesure qu’il approchait de la tourelle éclairée mais cet avantage présentait l’inconvénient qu’il devenait, de ce fait, beaucoup plus visible. Enfin son calvaire prit fin. Il atteignit la corniche où reposait le petit balcon et s’y laissa tomber avec un soupir de soulagement. Le plus dur était fait. Atteindre le toit n’occasionnerait guère de difficultés grâce à la surabondance de galbes, de pignons, de sculptures dont certaines n’avaient d’ailleurs pas grand-chose à voir avec le Moyen Âge : tel
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