La Perle de l'empereur
fut debout et fit un geste pour attirer l’attention du journaliste. Adalbert protesta :
— Ne me dis pas que tu vas l’inviter aussi à souper, celui-là ?
— Pourquoi pas ? Il m’a promis un renseignement capital… Je ne pensais pas vous revoir si vite, ajouta-t-il à l’intention de Walker qui accourait avec empressement. J’avais l’intention de me rendre à votre journal demain matin pour vous rencontrer. Mais asseyez-vous, je vous prie.
Walker ne se le fit pas dire deux fois et ne protesta pas quand Morosini réclama un autre couvert. Au contraire, son visage à la grande bouche moqueuse sous un nez un peu de travers, pas sans charme d’ailleurs, et que les yeux bleus au regard direct rendaient sympathique, s’épanouit en un sourire de gamin gourmand quand les premières bulles de champagne pétillèrent dans sa coupe. De même l’apparition du caviar l’enchanta :
— Si vous traitez toute la presse comme ça, pas étonnant qu’elle vous adore…
— Je vous traite en ami parce que j’espère que vous me rendrez la pareille. Vous m’avez fait une promesse cet après-midi…
— Je n’ai pas oublié et je vous remercie d’avoir laissé Marie s’en aller. Je vous l’ai dit, c’est une pauvre fille.
— Elle est cependant mêlée de près à l’assassinat de Piotr Vassilievich, car d’évidence elle a partie liée avec les meurtriers. N’oubliez pas que je l’ai vue chez la victime peu après l’enlèvement et que je l’ai suivie jusqu’au lieu du crime… d’où elle a disparu comme par enchantement avec eux…
— Je sais. Elle me l’a dit.
— Vous la connaissez si bien ?
— Pas mal ! C’est même moi qui lui ai trouvé un engagement aux Folies-Rochechouart pour l’empêcher de mourir de faim.
— Elle fait du théâtre ?
— Un bien beau mot pour ce qui n’est guère qu’un music-hall et pas des plus relevés. Elle est danseuse. J’admets qu’elle n’est pas bien belle mais elle est bien fichue et elle a des jambes magnifiques…
Puis se tournant vers Adalbert qui le fixait comme s’il s’attendait à le voir filer avec les couverts d’argent :
— Votre nom me dit quelque chose vous êtes archéologue, je crois ?
— Égyptologue, précisa celui-ci dont le front émergea un peu des nuages qui le couvraient. Je ne pensais pas être connu de ces messieurs de la presse.
— Pas de tous, bien sûr, mais moi je suis un cas à part. J’ai toujours eu une vraie passion pour les vieux trucs que l’on déterre et qui ont souvent une belle histoire à raconter. Alors je sais qui vous êtes…
Et pour laisser à Vidal-Pellicorne le temps d’assumer sa confusion, Walker se refit une tartine de caviar. Aldo reprit :
— Je voudrais lui parler. Et le plus tôt sera le mieux…
— Qu’espérez-vous entendre d’elle ?
— Des renseignements sur ses dangereux compagnons. Je veux bien admettre quelle n’ait pas participé au meurtre de Piotr mais elle en est complice. En outre, je suis persuadé de leur implication dans le crime de Drouot.
— Vous avez sans doute raison mais, même si elle était sur place, Marie n’y est pour rien. Quant à vous renseigner sur ce que vous appelez ses dangereux compagnons, soyez certain qu’elle ne pourra rien vous apprendre…
— Qu’en savez-vous ? susurra Adalbert.
Walker lui dédia un grand sourire un rien narquois.
— Vous devez bien penser que je l’ai déjà passée à la question sur le sujet ? Je suis intéressé, moi aussi, et au premier chef encore ! Imaginez le papier que je pourrais écrire sur ma rencontre avec Napoléon le Sixième.
— Vous savez ça ? fit Aldo sèchement. Comment est-ce possible ?
— Parce que Marie m’en a parlé… bien qu’elle ne l’ait jamais vu.
— Expliquez !
— Oh, c’est simple ! soupira Walker en tendant sa coupe vide pour qu’on la lui remplisse. Je ne vais pas vous raconter sa vie parce que ce serait du temps perdu et que, si vous la voyez, elle vous la narrera avec tant de détails que ça ferait double emploi. Sachez seulement qu’après des années confortables vécues à l’ombre de son cher papa, elle a épousé, en 17 je crois, un certain Boris Solovieff qui était un des pontes du syndicat des poissonniers et elle a fini par fuir Saint-Pétersbourg pour rejoindre son mari qui, selon elle – et il appuya sur les deux mots –, voulait monter une opération pour faire évader le tsar et sa famille. Une de
Weitere Kostenlose Bücher