La Perle de l'empereur
incompréhensible pour Aldo mais sur un ton d’agressivité qui ne laissait guère de doute sur le contenu des paroles et l’agaça immédiatement :
— Pardon, monsieur, mais êtes-vous proche parent de Madame ?
— Mêlez-vous de ce qui vous regarde !
— Il se trouve que la sérénité, le bien-être de la comtesse me regardent… comme tous ses amis, ajouta-t-il en constatant avec satisfaction que les deux cavaliers momentanément évincés s’étaient rapprochés et se rangeaient de son côté en approuvant vigoureusement. Or vous lui parlez sur un ton dont aucun gentilhomme ne saurait user envers une femme. Et j’ai entendu dire que vous êtes marquis ? C’est à peine croyable…
Le visage aigu, au teint légèrement olivâtre parut jaunir un peu plus. En même temps Agalar émettait un rire bref qui ressemblait au sifflement d’un serpent…
— Que pouvez-vous savoir du comportement d’un gentilhomme, mon garçon ? Je suis grand d’Espagne, sachez-le ! Et vous, vous êtes quoi ?
— Altesse Sérénissime ! Prince Aldo Morosini pour vous servir le traitement que vous méritez…
Le nom fit son effet. L’autre parut se calmer cependant qu’une lueur s’allumait dans son œil noir :
— Ah ! Vous êtes…
— Oui, je suis.
— Je voulais dire : vous êtes aussi l’amant de Madame ?
— Simplement un ami… respectueux. Et vous, si vous l’êtes, j’ajoute que vous êtes aussi un mufle !
Adalbert s’approcha aussitôt d’Aldo et posa la main sur son bras :
— L’endroit est mal choisi pour une querelle, fit-il remarquer. Le maharadjah pourrait ne pas apprécier. Allez dans le parc si vous voulez on découdre !…
Mais bien qu’il eût été insulté, la perspective d’un duel ne semblait guère tenter l’Espagnol. Il haussa les épaules :
— On ne se bat pas pour n’importe qui ou n’importe quoi. Si cette femme vous plaît, je vous la laisse bien volontiers ! J’ajoute que j’ai faim et que l’on vient d’annoncer le souper…
Et avec un geste dérisoire de la main, le beau marquis tourna les talons un peu trop hauts pour les critères de l’élégance masculine et se joignit aux autres personnes qui s’étaient intéressées au début d’altercation mais se dirigeaient à présent vers la salle du festin.
Pâle comme une morte, Tania ne bougeait pas de sa niche fleurie et levait vers les quatre hommes restés auprès d’elle un regard effrayé :
— Je… je crois que je préférerais rentrer chez moi…
— C’est trop naturel, dit Aldo. Je vais vous reconduire…
Mais à cet instant précis, le prince Karam qui avait l’air d’être en quête de quelqu’un s’approcha d’eux :
— Ah prince ! dit-il à Aldo. Je vous cherchais. Mon père souhaite vous avoir à sa table. Ainsi que M. Vidal-Pellicorne.
Aldo s’apprêtait à dire qu’il lui fallait d’abord s’occuper de la comtesse Abrasimoff souffrante, mais déjà les deux jeunes gens, réduits depuis un moment à une figuration intelligente, se hâtèrent de revenir sur le devant de la scène :
— Allez vite rejoindre le maharadjah, prince ! Nous allons, des Aubrais et moi, nous occuper de la comtesse, dit l’un. Soyez sûr que nous veillerons bien sur elle.
S’avisant de ce que ce La Royère pouvait être très sympathique, Aldo le remercia, lui tendit la main avant de s’incliner devant Tania :
— Je crois que vous pouvez leur accorder votre confiance, Tania ! Je prendrai de vos nouvelles demain…
Un judicieux mélange de civilisations orientale et occidentale faisait un lieu magique de la grande salle où l’on allait dîner. Nappes et serviettes étaient de brocart orange tissé d’or supportant l’apparat des chandeliers d’or massif où brûlaient de longues bougies ambrées, de cristaux gravé d’or, d’un admirable service de table exécuté spécialement à Sèvres dans les couleurs assorties à d’étonnants surtouts d’or dont jaillissaient des bouquets d’orchidées pâles mêlées à des roses flamboyantes et à des iris noirs. Plusieurs tables d’une douzaine de personnes étaient réparties dans la pièce et, en prenant place à celle que présidaient le maharadjah et la princesse Brinda, Aldo fut cependant surpris de se retrouver assez proche voisin de son hôte pour que la conversation fût possible puisque seule la princesse Marie de Broglie l’en séparait. Or il connaissait un peu l’originale
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