Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
Vom Netzwerk:
frère qui s’y connaissait en médecine et qui soignait le malade par des brûlures et des massages ; il arrivait à l’assoupir à l’aide de boissons calmantes, et parlait de guérisons miraculeuses. Mais à la dame il dit qu’il n’y avait aucun espoir, l’inflammation de la moelle avait commencé, on ne pouvait plus l’arrêter. Le malade pouvait tout au plus garder sa conscience pendant deux ou trois jours, il fallait surtout songer à le préparer à la mort.
    Herbert de Linnières n’était pas aimé dans le pays ; pourtant, à la nouvelle de son malheur, la cour du château s’emplit de visiteurs ; malgré l’hiver et l’approche des fêtes, de petits seigneurs, parents et voisins, avaient quitté leurs maisons et leurs affaires pour voir ce qui se passait et rendre un dernier devoir à cet homme qui ne leur ferait plus ni bien ni mal : était-ce par curiosité ou par une soudaine pitié pour celui qu’on avait cru si fort et que Dieu avait frappé ? Dans les écuries, les étuves, les granges, les visiteurs se pressaient, serrés dans leurs manteaux et leurs fourrures, parlant de choses et d’autres ; devant des feux allumés dans la cour, des valets et des paysans se chauffaient et mangeaient leur pain, et faisaient des commentaires sur chaque nouveau visiteur qui passait sur le pont sous la grand-porte. « Voilà la dame de Buchie, disaient-ils, qui ne doit pas être trop mécontente de perdre son tuteur. — Et son petit a grandi, hein, ça pousse comme des asperges, à cet âge-là.
    — Voilà le seigneur de Jeugni, avec son fils et la belle Ida, la giflée. — Voilà le maître-maçon de Chaource, je gage qu’on ne lui a pas encore payé son dû, il paraît bien pressé. — Et tu as vu la dame de Pouilli qui riait à Georges, l’écuyer de la dame Mahaut, si ce n’est pas une honte quand son père est à la mort !
    — Elle ne s’entendait pas bien avec son père, à ce qu’on dit.
    — Bah ! chez ces gens-là, les riches, le père, c’est le pire ennemi. Il devait bien savoir ce qu’il faisait, le garçon, quand il a poussé son père sur les chenets.
    — Il s’en tirera, vous allez voir, c’est lui qui sera notre maître.
    — Je vous dirai, moi, c’est un garçon qui n’est pas bien fort, et l’autre, le maître, vous savez comment il était ; s’il a pu lui donner un tel coup, le petit Niot, c’est qu’il ne l’a pas fait tout seul.
    — Pas tout seul ? Tout le monde l’a vu, pourtant, il était seul à frapper. .
    — C’est que celui qui l’a aidé est fait de telle sorte qu’on ne peut pas le voir, à moins d’avoir des lumières autres que les yeux du corps. »
    Plusieurs hommes se signèrent.
    « Il est fait de telle sorte, continua le vieux qui avait parlé du « petit Niot », qu’il a des ailes sur le dos, toutes blanches et brillantes. C’est le jugement de Dieu, cela.
    — Jugement du diable, dit un autre. Tu dérailles, vieux. Dieu ne force pas un fils à tuer son père.
    — Le Gros, dit un autre valet, avait pensé tromper Dieu, comme le loup qui se déguise en pèlerin. Et quand Dieu a vu qu’il avait gardé toute sa mauvaiseté sous sa barbe de carême et son habit de bure, là, il l’a frappé pour de bon ; voilà comment je vois les choses.
    — Dis donc, Roger, et toi, qu’aurais-tu fait, si tu rentrais de pèlerinage et que tu trouverais ta femme couchée avec un autre ?
    — Il ne l’a trouvée couchée avec personne, que je sache.
    — C’est tout comme. On en parlait. Les seigneurs ne plaisantent pas avec ces choses-là.
    — Et les femmes des seigneurs, alors ? Le Gros qui avait jusqu’à trois femmes dans son lit à la fois, avec son Allemande en plus, tu crois que la dame devait aimer ça ?
    — Ce n’est pas la même chose, Roger. C’est une question d’honneur, chez ces gens-là.
    — Le petit est bien à plaindre, on dit qu’il est jour et nuit à genoux dans la chapelle, et qu’il ne veut ni boire ni manger.
    — Eh, oui, un tel péché ! C’est le plus grand péché qui soit, ça.
    — Ah ! non. Le plus grand, c’est de tuer sa mère. Ça s’est vu aussi, de notre temps. Il y a quatre ans, on a roué un charron, à Bar-sur-Aube, parce qu’il a tué sa mère.
    — Eh bien celui-là n’est pas un charron, et il ne sera ni roué ni pendu. La justice pour eux n’est pas comme pour nous autres. Tous ceux qui étaient là vont dire que le Gros est tombé tout seul : pour

Weitere Kostenlose Bücher