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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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jambes croisées, les mains entre les genoux, il ne fut pas long à
succomber à la fatigue. Bientôt, il dormit comme un bienheureux, la bouche ouverte.
Musashi le mit au lit.
    Au matin, l’enfant se leva avec
les moineaux. Musashi aussi fut matinal : il entendait reprendre la route.
    Comme il s’habillait, la veuve
parut et dit d’un ton de regret :
    — Vous avez l’air pressé de
partir.
    Elle portait dans ses bras des
vêtements qu’elle lui offrit :
    — ... Je vous ai cousu ces
vêtements en guise de cadeau d’adieu : un kimono avec un mantelet. Je ne
suis pas sûre qu’ils vous plairont, mais j’espère que vous les porterez.
    Musashi la regarda, stupéfait. Ces
vêtements étaient beaucoup trop coûteux pour qu’il les acceptât après n’avoir
séjourné là que deux jours. Il essaya de refuser, mais la veuve insista :
    — Non, il faut les prendre.
De toute façon, ils n’ont rien de bien extraordinaire. Mon mari m’a laissé des
tas de vieux kimonos et de costumes de Nō. Je n’en ai pas l’usage. J’ai
cru devoir vous en donner. J’espère vraiment que vous ne refuserez pas.
Maintenant que je les ai mis à votre taille, si vous ne les prenez pas ils
seront bons à jeter.
    Elle passa derrière Musashi, et
tendit le kimono pour qu’il en enfilât les manches. En le mettant, il se rendit
compte que la soie était de très bonne qualité, ce qui ne fit qu’augmenter sa
gêne. La cape était particulièrement belle ; elle devait être importée de
Chine. Elle était bordée de brocart d’or, doublée de crêpe de soie, et l’on
avait teint en pourpre les attaches de cuir.
    — ... Cela vous va
parfaitement ! s’écria la veuve.
    Jōtarō, l’air envieux,
lui dit soudain :
    — Et à moi, qu’est-ce que
vous allez me donner ?
    La veuve éclata de rire.
    — Tu devrais te féliciter de
ta chance d’accompagner un aussi beau maître.
    — Oh ! grommela Jōtarō,
de toute façon je ne veux pas d’un vieux kimono !
    — Y a-t-il quelque chose que
tu veuilles ?
    L’enfant courut au mur de l’antichambre,
décrocha un masque de Nō, et dit :
    — Oui, ça !
    Il le convoitait depuis qu’il l’avait
aperçu pour la première fois, la veille au soir, et voici qu’il s’en caressait
la joue avec tendresse.
    Le bon goût de l’enfant surprit
Musashi. Lui-même l’avait trouvé d’une admirable exécution. Impossible de
savoir qui l’avait façonné mais il était sûrement vieux de deux ou trois
siècles, et de toute évidence avait servi à de véritables représentations de Nō.
Le visage, ciselé avec un soin exquis, était celui d’un démon femelle ;
mais tandis que le masque ordinaire de ce type était grotesquement tacheté de
bleu, celui-ci était le visage d’une jeune fille élégante et belle. Il ne
présentait qu’une seule étrangeté : un coin de la bouche se retroussait
fortement vers le haut de la façon la plus inquiétante que l’on pût imaginer.
Il ne s’agissait manifestement pas d’une face fictive, inventée par l’artiste,
mais du portrait d’une vraie folle bien vivante, très belle et pourtant
possédée.
    — Tu ne peux avoir cela, dit
la veuve avec fermeté en essayant de reprendre à l’enfant le masque.
    Jōtarō, l’évitant, se
mit le masque au sommet de la tête et gambada à travers la chambre ; il
criait d’un ton de défi :
    — Vous n’en avez pas besoin !
Il est à moi, maintenant ; je vais le garder !
    Musashi, surpris et embarrassé par
le comportement de son pupille, tenta de l’attraper ; mais Jōtarō
fourra le masque dans son kimono et s’enfuit au bas de l’escalier, la veuve à
ses trousses. Elle riait, pas fâchée du tout, mais assurément, elle n’entendait
point se séparer du masque.
    Bientôt, Jōtarō regrimpa
lentement les marches. Musashi, prêt à le tancer d’importance, était assis face
à la porte. Mais en entrant, l’enfant cria : « Hou ! » et
tendit le masque devant lui. Musashi tressaillit ; ses muscles se
raidirent, et ses genoux frémirent malgré lui.
    Il se demanda pourquoi la farce de
Jōtarō lui faisait un effet pareil ; mais en contemplant le
masque dans la pénombre, il entrevit la vérité. Le ciseleur avait mis dans sa
création quelque chose de diabolique. Ce sourire en demi-lune, retroussé du
côté gauche de la face blanche, était hanté, possédé d’un démon.
    — ... Eh bien, partons, dit Jōtarō.
    Musashi répondit sans se

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