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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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même pas le goût d’un bon repas. Nous parlons du luxe dans lequel
vivent les daimyōs, mais tôt ou tard ils doivent se harnacher de cuir et d’acier,
et aller se faire tuer. Ils me font pitié ; ils sont tellement occupés à
penser à leur honneur et au code du guerrier qu’ils ne peuvent jamais se
détendre et jouir de la vie.
    — C’est bien vrai ! Nous
avons beau nous plaindre de la crise et du reste, il n’y a qu’une chose à faire
aujourd’hui : être marchand.
    — Vous l’avez dit. Du moins
pouvons-nous faire ce que nous voulons.
     
                            
    — En réalité, nous n’avons qu’à
nous prosterner ostensiblement devant les samouraïs, et un peu d’argent nous
récompense de beaucoup de cela.
    — Quitte à vivre en ce monde,
autant s’y donner du bon temps.
    — C’est bien mon avis.
Quelquefois, j’ai envie de demander aux samouraïs ce que leur apporte la vie.
    Le tapis de laine que ce groupe
avait déployé pour s’asseoir dessus était importé – preuve que ces
hommes étaient plus à l’aise que d’autres éléments de la population. Après la
mort de Hideyoshi, le luxe de la période Momoyama était passé pour une large
part aux mains des marchands plutôt que des samouraïs, et maintenant les
bourgeois les plus riches avaient d’élégants services à saké, de beaux et
coûteux équipements de voyage. Même un petit homme d’affaires était
généralement plus à l’aise qu’un samouraï touchant cinq mille boisseaux de riz
par an, ce que la plupart d’entre eux considéraient comme un revenu princier.
    — Jamais grand-chose à faire
au cours de ces voyages, hein ?
    — Non. Pourquoi ne
ferions-nous pas une petite partie de cartes, pour passer le temps ?
    — Pourquoi pas ?
    L’on tendit un rideau, maîtresses
et valetaille apportèrent du saké, et les hommes se mirent à jouer, pour des sommes
incroyables, à l’ umsummo , un jeu récemment introduit par des marchands
portugais. L’or, sur la table, aurait pu sauver des villages entiers de la
famine, mais les joueurs le jouaient comme s’il se fût agi de cailloux.
    Au nombre des passagers se trouvaient
plusieurs personnes que les riches marchands auraient bien pu interroger sur ce
que la vie leur apportait : un prêtre errant, un rōnin quelconque, un
érudit confucianiste, quelques guerriers professionnels. La plupart d’entre
eux, après avoir assisté au début du jeu de cartes, s’assirent à côté de leurs
bagages pour contempler la mer d’un air désapprobateur.
    Un jeune homme tenait sur ses
genoux quelque chose de rond et de velu à quoi il disait de temps à autre :
    — Reste tranquille !
    — Quel joli petit singe vous
avez donc là ! Il est dressé ? demanda un autre passager.
    — Oui.
    — Vous l’avez depuis un
certain temps, alors ?
    — Non, je l’ai trouvé
récemment, dans les montagnes, entre Tosa et Awa.
    — Ah ! vous l’avez
attrapé vous-même ?
    — Oui, mais les singes plus
âgés ont failli me mettre en pièces.
    Tout en parlant, le jeune homme
épuçait l’animal avec une intense concentration. Même sans le singe il aurait
attiré l’attention car son kimono et le mantelet rouge qu’il portait par-dessus
étaient résolument fantaisistes. Sa chevelure n’était pas rasée sur le devant,
et un ruban pourpre inhabituel attachait son toupet. Ses vêtements donnaient à
penser qu’il s’agissait encore d’un enfant, mais à cette époque il était moins
facile que précédemment de déterminer l’âge de quelqu’un d’après son costume.
Avec l’avènement de Hideyoshi, le vêtement en général était devenu plus coloré.
L’on voyait des hommes d’environ vingt-cinq ans continuer de s’habiller comme
des garçons de quinze ou seize ans, et laisser non coupées leurs mèches du devant.
    Son teint rayonnait de jeunesse,
ses lèvres avaient le rouge de la santé, et ses yeux brillaient. En outre, il
était solidement bâti, et ses épais sourcils, ses yeux bridés avaient une
sévérité adulte.
    — ... Ne remue donc pas sans
arrêt ! dit-il avec impatience en donnant une tape sèche sur la tête du
singe.
    L’innocence avec laquelle il
cherchait les puces ajoutait à l’impression de juvénilité.
    Il était non moins difficile d’évaluer
son milieu social. Comme il voyageait, il portait les mêmes sandales de paille
et guêtres de cuir que tous les autres. Cela ne fournissait donc aucun

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