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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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l’affaire du clergé que de célébrer les
obsèques, mais de là à donner les cadavres, ou des fragments de cadavres... Mon
Dieu, voilà qui nous donnerait mauvaise réputation, à nous autres prêtres, non ?
Personne ne voudrait nous confier ses morts, et de toute manière, si nous nous
mettions à les distribuer, les temples seraient vite sans le sou.
    Même quand la main du samouraï
reposait sur la poignée de son sabre, Takuan ne pouvait s’empêcher de le
taquiner.
    Le moine, se tournant vers la
foule, redevint sérieux :
    — ... Je vous prie d’en
discuter entre vous et de me donner une réponse. Qu’allons-nous faire ? La
vieille femme assure qu’il ne suffit pas de le tuer carrément, mais que nous
devrions le torturer d’abord. Que diriez-vous de l’attacher à une branche du
cryptomeria pendant quelques jours ? Nous pourrions l’exposer jour et
nuit, pieds et poings liés, aux rigueurs des éléments. Les corbeaux lui
arracheront probablement les yeux. Que vous en semble ?
    Ses auditeurs trouvèrent sa
proposition d’une cruauté si inhumaine que d’abord, nul ne sut que répondre. A
l’exception d’Osugi, qui déclara :
    — Takuan, ton idée prouve ta
sagesse, mais j’estime que nous devrions l’attacher durant une semaine... non,
davantage ! Qu’il reste là durant dix ou vingt jours. Après quoi, je
viendrai moi-même lui porter le coup mortel.
    Sans autre forme de procès, Takuan
approuva de la tête.
    — Très bien. Qu’il en soit
ainsi !
    Il empoigna la corde après l’avoir
détachée de la rampe, et traîna Takezō, comme un chien en laisse, jusqu’à
l’arbre. Le prisonnier s’avançait humblement, tête basse, sans émettre un son.
Il avait l’air si repentant que certains des membres de la foule, ceux qui
avaient le cœur le plus tendre, éprouvaient un peu de pitié pour lui. Pourtant,
l’excitation d’avoir capturé la « bête sauvage » n’était guère
tombée, et chacun prit part à la fête avec entrain. Ayant lié ensemble
plusieurs longueurs de corde, ils le hissèrent à une branche, à une dizaine de
mètres du sol, et l’attachèrent solidement. Ainsi ligoté, il avait moins l’air
d’un homme vivant que d’une grande poupée de paille.
     
    Une fois rentrée des montagnes au
temple, Otsū commença d’éprouver une étrange et intense mélancolie chaque
fois qu’elle se trouvait seule dans sa chambre. Elle s’en demandait la raison :
la solitude n’avait rien de nouveau pour elle. Et il y avait toujours du monde
au temple. Elle avait beau jouir de tous les conforts du foyer, elle se sentait
maintenant plus seule qu’à aucun moment durant ces trois longs jours passés sur
le flanc désolé de la colline avec pour compagnon l’unique Takuan. Assise à la
table basse, près de sa fenêtre, le menton dans les mains, elle réfléchit sur
ses sentiments une demi-journée avant de parvenir à une conclusion.
    Elle avait l’impression que cette
expérience lui avait ouvert les yeux sur son propre cœur. La solitude,
songeait-elle, est pareille à la faim ; elle ne se trouve pas à l’extérieur,
mais à l’intérieur de soi. En souffrir, se disait-elle, c’est éprouver qu’il
vous manque quelque chose, quelque chose de vitalement nécessaire, mais quoi ?
Elle ne le savait pas.
    Ni les gens qui l’entouraient, ni
les agréments de la vie au temple, ne pouvaient apaiser le sentiment d’isolement
qu’elle éprouvait maintenant. Dans les montagnes, il n’y avait eu que le
silence, les arbres et la brume, mais il y avait eu aussi Takuan. Elle
ressentit comme une révélation qu’il n’était pas tout à fait en dehors d’elle-même.
Ses paroles lui étaient allées droit au cœur, l’avaient réchauffée, éclairée
comme aucun feu ni aucune lampe n’en étaient capables. Alors, elle se rendit
compte innocemment qu’elle se sentait seule parce que Takuan ne se trouvait pas
auprès d’elle.
    Ayant fait cette découverte, elle
se leva, mais son esprit continuait de se colleter avec le problème qui se
posait à elle. Après avoir décidé le châtiment de Takezō, Takuan avait
passé une bonne partie de son temps enfermé dans la salle des hôtes pour
conférer avec les samouraïs de Himeji. Entre ses allées et venues au village
pour faire telle ou telle course, il n’avait pas eu un moment pour s’asseoir et
causer avec elle ainsi qu’il l’avait fait dans les montagnes. Otsū se
rassit.
    Si seulement elle avait un

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