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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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offrande au Bouddha, et le Bouddha t’en a
fait don. Garde-le pour te porter chance.
    Sans protester davantage, Otsū
fourra la pièce dans son obi ; puis, levant les yeux vers le ciel, elle
observa :
    — Il fait du vent, n’est-ce
pas ? Je me demande s’il pleuvra cette nuit. Il n’a pas plu depuis un
temps infini.
    — Le printemps est presque
passé ; aussi, nous allons avoir une bonne averse. Nous en avons besoin
pour emporter toutes les fleurs fanées, sans parler de soulager l’ennui des
humains.
    — Mais s’il pleut fort, qu’arrivera-t-il
à Takezō ?
    — Hum... Takezō...
répéta le moine, rêveur.
    A l’instant précis où tous deux se
tournaient vers le cryptomeria, un appel se fit entendre dans ses branches supérieures :
    — Takuan ! Takuan !
    — Quoi ? C’est toi, Takezō ?
    Tandis que Takuan essayait de regarder
dans l’arbre, Takezō lâcha un flot d’imprécations :
    — Espèce de cochon de moine !
Sale imposteur ! Viens donc là-dessous ! J’ai deux mots à te dire !
    Le vent battait violemment les
branches de l’arbre, et la voix n’arrivait qu’entrecoupée. Des feuilles
tourbillonnaient, et pleuvaient sur la face levée de Takuan.
    Le moine éclata de rire.
    — Tu es encore plein de vie,
à ce que je vois. Parfait ; j’en suis ravi. J’espère que ce n’est pas
seulement la fausse vitalité qui vient de la connaissance du fait que tu vas
bientôt mourir.
    — Ta gueule ! cria Takezō
qui n’était point tant plein de vie que plein de colère. Si j’avais peur de
mourir, pourquoi me serais-je laissé faire quand tu me ligotais ?
    — Parce que je suis fort et
que tu es faible !
    — Tu mens, et tu le sais bien !
    — Dans ce cas, je m’exprimerai
autrement. Je suis intelligent, et tu es d’une indicible stupidité !
    — Peut-être as-tu raison. Il
est certain que j’ai été stupide de te laisser m’attraper.
    — Ne te tortille pas comme
ça, espèce de singe dans l’arbre ! Ça ne t’avancera à rien, ça te fera
saigner s’il te reste la moindre goutte de sang, et franchement c’est fort
inconvenant.
    — Ecoute, Takuan !
    — Je t’écoute.
    — Si j’avais voulu te
combattre sur la montagne, il m’aurait été facile de t’écraser sous mon pied
comme un concombre.
    — L’analogie n’est pas très
flatteuse. En tout cas, tu ne l’as pas fait ; aussi aurais-tu intérêt à
renoncer à cet argument. Oublie ce qui s’est passé. Trop tard pour avoir des
regrets.
    — Salaud, tu m’as fourré
dedans avec tes grands mots de prêtre. Tu m’as mis en confiance, et tu m’as
trahi. Je t’ai laissé me capturer, oui, mais seulement parce que je te croyais
différent des autres. Si l’on m’avait dit que je serais humilié à ce point !...
    — Au fait, Takezō, au
fait ! dit Takuan avec impatience.
    — Pourquoi me traites-tu
comme ça ? cria d’une voix aiguë le ballot de paille. Pourquoi ne te
contentes-tu pas de me couper la tête et d’en finir ? Je me disais que s’il
fallait mourir, mieux valait te laisser choisir mon genre d’exécution que de l’abandonner
à cette populace assoiffée de sang. Tu as beau être moine, tu prétends aussi
comprendre la Voie du samouraï.
    — Oh ! oui, je la
comprends, mon pauvre garçon fourvoyé. Beaucoup mieux que toi !
    — J’aurais mieux fait de me
laisser rattraper par les villageois. Eux, du moins, sont humains.
    — Est-ce là ta seule erreur, Takezō ?
A peu près tout ce que tu as jamais fait n’a-t-il pas été une erreur quelconque ?
Pendant que tu te reposes, là-haut, pourquoi n’essaies-tu pas de réfléchir un
peu sur le passé ?
    — Oh ! la ferme, espèce
d’hypocrite ! Je n’ai pas honte ! La mère de Matahachi peut bien me
traiter de tous les noms, Matahachi est mon ami, mon meilleur ami. J’ai cru de
mon devoir de venir annoncer à la vieille taupe ce qui lui était arrivé, et qu’est-ce
qu’elle fait ? Elle incite cette populace à me torturer ! Lui apporter
des nouvelles de son précieux rejeton, voilà l’unique raison pour laquelle je
suis venu ici en forçant la barrière. Est-ce là une violation du code du
guerrier ?
    — Ce n’est pas la question,
imbécile ! L’ennui, avec toi, c’est que tu ne sais même pas penser. Tu
parais croire à tort que si tu accomplis un seul acte de bravoure, cela suffit
à faire de toi un samouraï. Eh bien, c’est faux ! Tu t’es laissé
convaincre de ton bon droit

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