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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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jetant un œil à sa montre-horloge, il est temps d’aller,
si je veux prendre nos oisillons au nid. Et devant son huis, en effet, l’espérant
d’un air patient et pesant, je vis six sergents de la prévôté qui n’avaient
pour toute arme que l’épée au côté et que je considérais curieusement, afin que
d’imiter leur allure pataude. J’observai aussi qu’ils avaient quasiment tous la
face et le nez plus rouges que moi, ce qui, à mon sentiment, tenait plus à la
dive bouteille qu’au soleil, et je me recommandai à moi-même d’user le jour du
procès d’un peu de carmin sur ces parties afin de me faire plus semblable à
eux.
    — Siorac, dit Lugoli, cheminez de grâce à ma dextre et
oyez-moi que j’éclaire votre lanterne en cette présente affaire. En juin 1590,
pendant le siège, il fut ordonné par Nemours que pour les pauvres de Paris, on
vendrait partie du trésor de Saint-Denis, et c’est ainsi que furent portés à la
monnaie un grand crucifix d’or massif et une couronne d’or à peine moins
pesante, desquels on tira un petit millier d’écus, maigre soulagement pour un
peuple si nombreux. Toutefois, ladite couronne comportait de fort belles
pierres qui dans le trajet – le croiriez-vous ? – disparurent,
dont un fort grand et gros rubis d’une inestimable valeur, dont j’ai appris de
source certaine qu’il se trouvait en de certaines mains auxquelles j’ai le
propos, en ce clair matin, de l’aller arracher.
    — Et dans cette périlleuse entreprise, dis-je, béant,
vous n’emmenez que cinq ou six sergents à peine armés ?
    — C’est que les mains dont je parle, dit Lugoli en
m’espinchant de côté avec un petit brillement de l’œil gaussant et entendu, ne
sont pas armées, encore qu’elles soient redoutables. Mais, ajouta-t-il d’un air
fort taquinant, je n’en dirai pas plus, avant que nous ne toquions à leur
porte.
    Ayant dit, il s’accoisa et comme au bout d’un moment je
trouvais le chemin longuet, je lui dis :
    — Et peux-je savoir, Lugoli, comment vous avez su que
ledit rubis s’encontrait dans les mains que vous dites ?
    — Pour ce que quatre ans après qu’il fut robé, ceux qui
le détenaient l’ont voulu vendre hier à un joaillier du Pont au Change, lequel
l’ayant examiné à la loupe le reconnut comme étant le rubis d’une des couronnes
de Saint-Denis, le plus gros jamais vu en ce royaume. Il en offrit tout de gob
un prix fort pansu, mais prétextant qu’il lui faudrait du temps pour assembler
tant de pécunes, il remit le barguin à deux jours, fit suivre le quidam à son
départir par son petit commis jusqu’au logis et me vint incontinent informer
dudit logis, ne voulant point tremper, fût-ce du bout de l’orteil, dans des
eaux si noirâtres.
    — Mais, dis-je, si vous ne connaissez de ces truands
que leur logis, comment savez-vous qu’ils ne sont pas armés ?
    — Pour ce que leur logis n’était pas déconnu de moi, et
dans une minute, Siorac, ne le sera pas non plus de vous. Nous approchons.
    — Quoi ? Ces gueux habitent rue
Saint-Jacques ? C’est beau quartier pour des truands !
    — C’est qu’ils sont fort étoffés, dit Lugoli avec un
petit sourire, et ils le seront à peine moins quand j’aurai repris le rubis.
Nous y sommes, dit-il en s’arrêtant devant une belle porte de chêne.
    — Nous y sommes ? criai-je, béant. Mais c’est le
collège de Clermont !
    — Là-même ! dit Lugoli en toquant au heurtoir avec
force contre l’huis. Ne vous ai-je pas dit que vous ne seriez pas déçu ?
    Le judas se déclouit et Lugoli dit d’un ton abrupt et
militaire.
    — Tu me reconnais, portier. Je suis Pierre de Lugoli.
Ouvre, je te prie, j’ai pris jour avec le révérend père Guéret.
    L’huis s’ouvrit, et dans son aperture s’engouffrèrent
Lugoli, moi-même et les six sergents, ce que voyant le portier, qui ne
s’attendait pas à tant de visiteurs, il parut quelque peu suspicionneux et
disant « je vais prévenir le révérend père Guéret » approcha la main
d’une corde qui commandait une petite cloche, mais Lugoli arrêta son bras de la
main senestre et lui mettant la pointe de sa dague sur la bedondaine, lui dit
avec un sourire aimable :
    — Ce n’est point nécessaire. Je connais les aîtres.
    Après quoi, sur un signe de lui, deux sergents, beaucoup
moins aimablement, se saisirent du portier, lui mirent un bâillon sur la
bouche, l’adossèrent à une colonne et derrière elle

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