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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Raison pour quoi je fis
sur elle d’assez proches et curieuses inquisitions.
    — Tu t’es bien apensé, Barbu, dit le roi avec un
sourire. Le bien comprendre suppose le bien connaître. Parle-moi donc de prime
de tes inquisitions, et ensuite du procès.
    Ce que je fis, entrant dans tous les détails que le lecteur
connaît jà, y compris la superbe assurance du père Guignard quant à la
surséance du procès.
    — Et de qui tiens-tu, Barbu, dit le roi, que Guignard
ait prononcé ces arrogantes paroles ?
    — De Madame la duchesse de Guise.
    — Ha ! dit le roi, et m’espinchant quelque peu de
côté, il poursuivit :
    — Vois-tu souvent ma bonne cousine Catherine ?
    Cette question apparemment sans malice ne me prit pas sans
vert, Pierre de Lugoli m’ayant appris à mots couverts que le roi entretenait
une mouche dans les alentours de la duchesse, tant est que persuadé que
touchant mon commerce avec elle, je ne lui apprendrais rien qu’il ne sût jà, je
m’étais résolu d’avance à user avec lui de la plus naïve franchise.
    — Très souvent, Sire.
    — Il faut donc, poursuivit-il avec un sourire, que tu
sois à elle très affectionné.
    — Oui, Sire, dis-je. Immensément. Mais pas au point que
je peuve oublier jamais mes obligations envers Votre Majesté.
    — Je ne sache pas, dit le roi, l’œil pétillant, que ta
fidélité à moi et ton affection à ma bonne cousine soient contraires. Bien le
rebours. Qu’est-elle apensée des négociations entre son fils et moi ?
    — Les délaiements l’inquiètent et l’encolèrent, et elle
a pris vos négociateurs en telle détestation que je lui ai suggéré de quérir de
vous leur remplacement par M. de Rosny.
    — Ha ! Barbu ! dit le roi en riant, quel beau
coup de moine ! comme disait Charles IX, quand mon esteuf, au jeu de
paume, venait mourir à deux pieds de la corde ! Tant plus je t’emploie, Barbu,
et tant plus j’admire ton adresse ! ajouta-t-il avec un sourire entendu.
Tu es fin jusque dans ta franchise…
    Et comme il me voyait, après cette saillie, en quelque
confusion, il ajouta mi-moqueur mi-sérieux :
    — Quelle pitié, Siorac, que tu sois si tiède en ta foi
catholique, et se peut en ta foi tout court. Je t’eusse fait évêque !
    — Sire, dis-je, je n’aspire ni au violet ni à la
pourpre. En outre, je suis marié.
    — Cela est vrai, reprit-il, encore que tu l’oublies
souvent…
    Mais trouvant sans doute après cette dernière gausserie
qu’il m’avait tabusté assez, il reprit d’un ton uni :
    — Quant à ma bonne cousine, je ne sache pas non plus
que ton affection soit mal placée en elle, ni la sienne en toi.
    — Ha ! Sire ! dis-je d’une voix trémulente en
lui prenant la main et en la baisant, voilà une parole de Votre Majesté qui me
donne plus de joie que si Elle m’avait baillé vingt mille écus.
    — Ventre Saint-Gris, Barbu ! dit Henri en riant à
gueule bec, si chacune de mes paroles valait vingt mille écus, je ne serais pas
contraint de jouer à la paume avec une chemise déchirée.
    Ce qu’il avait fait la veille, à ce que j’appris dans la
suite, au grand ébahissement de la Cour.
    — M. d’O, reprit le roi, qui était toujours très
amer sur le sujet de ses trésoriers, ne retient pas seulement ses urines :
il retient aussi mes pécunes. En outre, il fait quasiment jeûner ma huguenote
sœur en Paris, d’aucuns de ses gens osant même dire tout haut que puisqu’elle
ne veut pas se faire catholique par mariage, et qu’on ne peut venir à bout
d’elle par le bas, ils tâcheront, en l’affamant, d’avoir raison d’elle par le
haut.
    — Ha ! Sire ! dis-je, que voilà paroles sales
et fâcheuses ! Mais Sire, dis-je en mettant la main dans l’emmanchement de
mon pourpoint, où j’avais une poche secrète, j’ai là de quoi vous permettre
d’acheter pour le moins une ou deux chemises.
    Quoi disant, je retirai de sa cache le rubis, et pendant
qu’il s’en émerveillait, je lui contai la guise et la manière dont Pierre de
Lugoli l’avait recouvré. Et m’apensant alors que, puisque Sa Majesté
s’était en cette encontre tant égayée de moi, je pouvais, à mon tour, lui
servir une petite malice de mon mijot, je lui dis tout de gob et d’un air fort
innocent la raison pour laquelle nous avions préféré confier le rubis à
M. de Thou plutôt qu’à Cheverny, n’ayant pas « arraché la
précieuse pierre aux soutanes des jésuites pour

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