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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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particulière guise. L’un, à chaque demande de mon
fils que Péricard et Rochette transmettent, fait la moue et hausse les épaules
d’un air important sans rien dire d’autre que C’est à voir ! ou C’est
à y regarder de près ou À faire autrement on pourrait mieux faire !
    À quoi je ris, tant je la trouvais drolette, elle qui était
si petite et si rondelette, de contrefaire – et en l’appareil où elle
s’encontrait – le pompeux personnage que bien je connaissais.
    — Ha ! Mamie, dis-je, m’esbouffant toujours,
poursuis, je te prie, poursuis ! Qu’en est-il du deuxième ?
    — Pis ! Le deuxième, lui, jase interminablement
sans que personne ni lui-même entende ce qu’il veut dire. Il répéterait cent
fois « abracadabra » qu’on n’en serait pas plus éclairé.
    Et prenant l’air grave et profond, la crête haute et le
sourcil levé, ma petite duchesse, toujours marchant qui-cy qui-là dans la pièce
répéta « Abracadabra, Abracadabra » sur tous les tons une douzaine de
fois.
    — Et le troisième ? dis-je, toujours riant.
    — Ha ! celui-là ! dit-elle, c’est le
furieux ! La babine retroussée ! Le poil hérissé, à’steure grondant
du fond de son gargamel, à’steure aboyant comme un dogue allemand !
N’oubliez mie, répéta-t-il à Rochette et Péricard, n’oubliez mie que votre duc
et vous êtes des rebelles et des maillotiniers ! De mauvais
Français ! Des Espagnols ! Qu’on ne devrait pas seulement parler à
vous, whouf ! whouf ! Que nous ne vous devons rien du tout, pas un
sol ! pas une charge ! et pas un governorat ! Que vous devriez
vous tenir heureux que le roi vous reçoive à merci, ou que même, whouf, whouf,
il vous accorde la vie sauve !
    — Ha ! Mamie ! criai-je, riant enfin, vous
m’avez trop ébaudi ! Revenez céans sans tant languir. Votre coite s’ennuie
de vous.
    Elle fut dans mes bras en un battement de cil et si chagrine
et dépite qu’elle fût des remises et délaiements de cette négociation dont
dépendait la fortune de sa maison, elle se mit à rire au bec à bec avec moi,
tant elle s’était prise au petit jeu de ses satiriques portraits et se trouvait
contente de m’en avoir égayé.
    — Mon ange, dis-je, « à y regarder de près »,
comme dirait le premier de vos trois « vaunéants », il m’apparaît que
la difficulté tient soit aux demandes de Monsieur votre fils qui, se peut,
comme je vous l’ai dit, sont tenues pour excessives, soit à quelque sournois et
malicieux mauvais vouloir des négociateurs du roi.
    — Ce que je crois plutôt, dit-elle avec fougue.
    — Mon ange, dis-je, vous avez une façon très sûre de
vous en assurer.
    — Laquelle ?
    — Dès que le roi sera de retour en Paris, jetez-vous à
ses piés, arrosez ses mains de vos larmes, jouez-lui la petite comédie que
voilà sur les trois « vaunéants » et demandez-lui un autre de ses
serviteurs pour mener à son côté la négociation.
    — Ha ! dit-elle en battant des mains, mais toi,
par exemple ! mon Pierre, toi !
    — Nenni ! Nenni ! Nenni ! dis-je en
cachant sous ce triple « nenni » le plus vif embarras. Cela ne se
peut, mon ange ! Ni Henri III ni Henri IV ne m’ont jamais confié
des missions de cette farine, en toute apparence parce que je n’ai pas le
talent qu’il y faut. Dans la réalité des choses, poursuivis-je hâtivement, je
pensais à quelqu’un d’autre qui vous touche d’aussi près que moi, bien qu’en
tout autre manière.
    — Et quel est celui-là ? dit-elle, sa curiosité
fort piquée, comme bien j’y comptais, de reste.
    — Mais M. de Rosny, dis-je. Cela va de
soi !
    — Rosny ! dit-elle, levant haut les sourcils. Et
pourquoi Rosny ?
    — Pour ce qu’il est votre parent et qu’il vous aime.
    — Cela est bien vrai, dit-elle avec sa douce, naïve et
coutumière bonne foi, en fichant dans le mien son œil azuréen.
    — En outre, dis-je, le roi a toute fiance en lui, pour
ce qu’il sait bien que Rosny, vous aimant prou, ne refusera rien à votre
maison, hormis, poursuivis-je avec prudence, les choses impossibles ou trop
dommageables à son État.
    — Ha ! mon Pierre ! dit-elle, vous me
redonnez espoir et vie, au rebours de ce méchant père Guignard qui ne faillit
pas une occasion de me répéter qu’il n’y a rien à attendre d’Henri Quatrième
sauf…
    — Sauf, dis-je en serrant les dents, l’exil pour lui et
ses semblables.
    — C’est ce

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