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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’il décroit, dit Catherine.
    — Mamie, que dites-vous ? Il le décroit !
Après ce procès !
    — C’est qu’il n’en a pas du tout la crête rabattue,
dit-elle. Tout le rebours ! Il porte dans la tempête un front très assuré
et m’a dit, ce matin, parlant à ma personne, que sa compagnie obtiendrait que
le présent procès soit joint et confondu à celui qu’on leur a fait jà en 1565,
et sans autre décision qu’une non-décision, et surséance indéfinie.
    — Quoi ? dis-je, le parlement surseoirait et
indéfiniment…
    — Il le tient pour assuré, disant et déclarant urbi
et orbi que le roi n’étant pas intervenu pour peser sur le parlement,
celui-là, de son propre chef, n’osera jamais condamner les vrais défenseurs de
la foi en ce pays.
    — Il dit cela ! Cornedebœuf ! Quelle
arrogance ! Et Mamie, puisqu’il explique tout si bien, comment
explique-t-il que le rubis de la Couronne se soit encontré en les mains de sa
compagnie ?
    — Pour ce que M. de Nemours le leur avait
donné en gage pendant le siège contre de grandes quantités de vin, de blé et
d’avoine qu’ils distribuèrent au peuple.
    — Mamie, dis-je, il est bien vrai qu’ils distribuèrent
quelques provisions au peuple pendant le siège, mais contraints et forcés par
M. de Nemours, lequel ayant fait fouiller leur collège par le prévôt
y découvrit des vivres pour un an.
    — Pour un an ! Ma fé ! Est-ce la Dieu
possible ! Pendant que moi je crevais de verte faim, et en serais morte,
assurément, sans votre rescous, mon Pierre…
    Quoi disant, et comme atendrézie par cette remembrance ma
petite duchesse s’ococoula contre mon épaule et de son petit bec me piqua mille
poutounes dans le cou. Toutefois, l’heure avançant, et Babette sa chambrière
toquant à l’huis et disant à travers le bois que M me  de Nemours
venait d’advenir pour visiter Madame, il fallut mettre un terme à ces délicieux
allèchements, et m’ensauver, vêtu à la diable, par la petite porte verte.
Cependant, étant très déquiété en mon for par ce que Catherine venait de me
dire quant à la superbe et l’assurance du père Guignard sur l’issue du procès
des jésuites, je décidai de pousser jusqu’à la rue Tirechape pour visiter
Pierre de Lugoli ; par grande chance, je le trouvai chez lui et entrai
dans le vif aussitôt.
    — Hélas, Siorac, dit-il, hélas ! Guignard a
quelque raison de s’apenser ce qu’il pense. Tant plus les jésuites ont été
faibles dans la défense publique, tant plus de présent ils se montrent forts
dans la négociation secrète. Ha ! Siorac, vous n’imaginez pas les
intrigues, brouilleries et sollicitations de ces gens-là, qui agissant à’steure
à visage découvert, à’steure par l’intercession de toutes les âmes jésuites
qu’ils ont façonnées en Paris, remuent ciel et terre en faveur de cet
ajournement, épouvantant d’aucunes bonnes et naïves personnes parmi nos Grands,
comme si c’était Jésus en sa divine personne qu’on allait chasser du royaume et
non point la compagnie qui, en sa folle arrogance, a osé usurper son nom –
ce nom, Siorac, poursuivit-il, son œil bleu dans son visage sombre lançant des
flammes – que le colloque de Poissy leur a interdit expressément de
porter, comme étant réservé au Sauveur du Monde.
    — Mais, dis-je, comment après tout ce qui s’est dit au
parlement contre eux, comment pourrait-on ajourner et surseoir
indéfiniment ?
    — Mais, Siorac, dit Lugoli, vous oubliez que les
magistrats ligueux au parlement l’emportent par le nombre sur les magistrats
qui avaient suivi Henri III dans son exil à Tours. Et que même des
parlementaires royalistes comme le procureur général La Guesle…
    — Quoi ? Lui encore ! Il ne suffit pas à ce
fol d’avoir amené Jacques Clément à Henri III, faut-il encore qu’il
soutienne les jésuites !
    — Et non seulement La Guesle, poursuivit Lugoli, mais
de considérables personnages comme l’avocat général Séguier… Et bien
d’autres !
    — Mais je ne peux croire, dis-je, que ces
parlementaires, qui ont tant souffert des Seize, ne voient pas le péril
que les jésuites font courir à la vie du roi !
    — D’aucuns, dit Lugoli avec un sourire plein
d’irrision, feignent de ne pas le voir. D’autres ne le voient pas vraiment.
D’autres craignent, en prenant partie contre les jésuites, leur lointain
ressentiment. D’autres encore sont éblouis par

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