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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’entendais pas sa particulière fortune, mais son
rollet public.
    —  Mi fili, dit Fogacer d’un air mi-gaussant
mi-affectionné, car pour lors vous êtes doublement mon fils, et non seulement
parce que je vous ai nourri, en vos vertes années, aux stériles mamelles
d’Aristote, mais aussi pour ainsi parler, cléricalement, et du fait même de la
robe que je porte, sachez de prime que pour défendre les intérêts français à
Rome, il y eut de tout temps un ambassadeur français et un cardinal protecteur,
lequel, sous le règne d’Henri Troisième, fut d’abord le cardinal d’Este qui, en
rendant son âme à Dieu, légua à son successeur, le cardinal de Joyeuse, cette
inestimable perle, son très dévoué secrétaire : l’abbé d’Ossat. Duquel,
poursuivit-il en levant sa longue et fine main, la réputation d’honnêteté, de
fermeté, de loyauté et d’habileté diplomatique était telle, même en France, que
lorsque Henri Troisième à Blois, en 1588, renvoya les ministres dévoués de sa
mère, il fit appel à d’Ossat pour remplacer Villeroy…
    — Cornedebœuf ! criai-je stupéfait, mais je ne
l’ai jamais su !
    — L’Église sait tout, dit Fogacer gravement.
    — Et quel émerveillable avancement pour un petit
abbé ! dit La Surie.
    — Lequel, toutefois, il refusa, dit Fogacer avec son
lent, connivent et sinueux sourire.
    — Et savez-vous pourquoi ? dis-je.
    — Ha ! Comme il serait intéressant de le
savoir ! dit Fogacer en levant au ciel ses bras arachnéens. À supposer,
reprit-il en arquant son sourcil, que l’Église me charge un jour d’écrire
l’apologie de l’abbé d’Ossat, je ne manquerai pas d’expliquer noir sur blanc
que c’est par humilité chrétienne que ledit abbé noulut devenir le ministre
d’un grand monarque de l’Occident. Mais c’est là mi fili, une de ces
choses que tous les prêtres disent et qu’aucun d’eux ne croit.
    — Il n’est mèche qui ne se vende un jour ! dit
La Surie en souriant d’un seul côté du bec.
    — Mais telle est la crédulité humaine, poursuivit
Fogacer, que personne n’achète ladite mèche, même quand elle est à vendre… Je
poursuis. Mon cher Miroul, si vous aviez le choix entre être ministre et
devenir cardinal, lequel choisiriez-vous ?
    — Les ministres passent, mais les cardinaux demeurent,
dit La Surie. Adonc, je choisirais le chapeau.
    — C’est bien pensé. En outre, ramentez-vous que Henri
Troisième, très antiligueux et anti-espagnol, se trouvait en très mauvaise
odeur à Rome. Qui plus est, il était bougre. Et encore que la bougrerie ne soit
pas déconnue dedans l’Église, elle n’y est pas bien considérée, quand elle est
scandaleuse. Et enfin, d’Ossat, toujours bien informé, ne pouvait ignorer que
la lutte entre le Guise et le roi à Blois avait atteint un point tel que l’un
des deux ne pouvait manquer d’être dépêché par l’autre. Or, le roi tué, que
serait devenu son ministre ? Mais d’un autre côté, Guise occis, et avec
lui son frère le cardinal (crime en horreur à Sa Sainteté), que serait
devenu le ministre d’un roi excommunié ? Adonc mon d’Ossat refusa les
honneurs en ce combat douteux et demeura sagement à Rome, se chauffant au
soleil de la chrétienté…
    — Voilà, dis-je, qui parle en faveur de sa prudence.
    — Mais voici, en revanche, dit Fogacer en levant sa
longue main, qui parle en faveur de son courage et de sa clairvoyance :
quand Jacques Clément occit Henri Troisième et que celui-ci, sur son lit de
mort, reconnut Henri de Navarre comme son successeur, le cardinal de Joyeuse, notre
évêque protecteur à Rome, rejoignit le camp ligueux, et l’abbé d’Ossat, en
complet désaccord avec lui, le quitta.
    — Il est donc antiligueux ? dis-je, trémulant de
joie…
    — Et de longue date. Il estime que si la Ligue en
France a servi le roi d’Espagne, elle a, dans la réalité des choses, desservi
l’Église catholique.
    — Je commence à aimer ce petit abbé, dit La Surie.
Que fit-il quand il se retrouva désoccupé à Rome ?
    — La reine Louise l’apprit et le prit à son service.
Comme vous savez, elle voudrait obtenir du pape, poursuivit Fogacer avec un
petit brillement de l’œil, une messe chantée pour le repos de l’âme excommuniée
de son défunt mari.
    —  Sancta simplicitas ! dit La Surie.
    — Tautologie ! dit Fogacer. Il n’est de sainteté
que simple… Savez-vous que d’Ossat, qui est

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