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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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derrière le
rideau, vous sentez-vous bien ?
    — Madame, dis-je, comme dans un paradis.
    — Sauf, dit-elle, avec un soupir, que dedans le
paradis, Adam n’était pas seul.
    — Ha, Madame ! dis-je, ma voix s’étranglant dans
mon gargamel, en effet !
    — Monsieur, dit-elle, je ne voudrais pas que vous vous
mépreniez sur moi. Je suis personne de bon lieu, j’ai quelque réputation de
vertu à sauvegarder. En conséquence de quoi, je serais infiniment navrée en mes
plus tendres sentiments, si l’on venait à savoir que vous vous êtes baigné nu
en votre natureté dans la chambre où je dors.
    — Madame, dis-je avec quelque trémulation dans la voix,
soyez là-dessus tout à plein en repos : les bontés des dames m’ont de tout
temps laissé muet.
    Là-dessus, il y eut un silence, pendant lequel je retins mon
vent et haleine, doutant en avoir dit assez, craignant d’en dire trop, et
nullement assuré de quel côté la balance allait pencher, sachant bien que,
lorsque les choses prennent cette prometteuse tournure, un mot, un geste, un
regard, à la pénultième minute, peuvent tout gâcher.
    — Monsieur, reprit-elle, savez-vous que je vous
envie : je n’ai eu, moi, pour me baigner, qu’une cuvette à peine plus
grande qu’un gobelet, et j’enrage d’ouïr le ruisselis que vous faites avec
cette bonne eau sans en sentir moi-même la caresse.
    — Madame, dis-je, cette caresse serait vôtre aussi, si
vous me rejoigniez dans cette cuve.
    — Hé Monsieur ! dit-elle d’une voix trémulente, y
pensez-vous ! Cela serait très disconvenable à une femme de bien !
    — Madame, dis-je, sentant le moment venu de la presser
davantage, qui vous respecte plus que moi ? Mais nécessité fait loi. Cette
cuve est tant grande que vous pouvez y plonger sans que je vous touche du tout.
En outre, qui le saura jamais ? Nous sommes à la minuit, le logis est
quiet, l’huis bien clos sur nous et bientôt l’obscurité dérobera vos rougeurs,
la chandelle jetant son dernier feu.
    — Eh bien, dit la belle huissière d’une voix fort
faible, mais dans laquelle quelque petit démon se riait à part soi,
laissons-la, de grâce, s’éteindre tout à plein. J’en aurai moins vergogne.
    — Laissons-la, dis-je.
    Et l’œil fiché sur le bougeoir qui reposait sur une
escabelle à côté de la coite, la belle huissière l’ayant par-devers soi, et moi
l’envisageant à travers le rideau qui était fait d’une cotonnade rouge
transparente assez, nous envisagions cette chandelle qui à dire tout le vrai,
prit à mourir un temps infini.
     
     
    — Moussu, dit mon Miroul tandis que nous trottions au
botte à botte en tête de notre escorte, je vous dois des excusations pour avoir
irrupté en votre chambre ce matin à la pique du jour pour vous
désommeiller : comment pouvais-je savoir que vous seriez infidèle à votre
dame trois semaines à peine après l’avoir quittée ?
    — Monsieur de La Surie, dis-je froidureusement, le
remords me point assez sans que vous y ajoutiez vos piques. Au surplus, es-tu toi-même
si vertueux ? Et ne sais-tu pas le pouvoir immense que l’occasion a sur
nos tant faibles cœurs ?
    — Oui-da, dit-il d’un air entendu, surtout quand ladite
occasion est aidée.
    — Aidée ? dis-je avec indignation.
    Et à peu de mots, et sotto voce, je lui en dis ma
râtelée, n’ayant pas scrupules à lui en conter les prémisses, puisque de ses
yeux il avait vu la conclusion.
    — Moussu, dit Miroul, à ouïr comme vous tournez les
choses, il me semble que pour une fois, vous péchez par naïveté. Il me paraît
clair comme ciel d’azur que la garcelette, ayant vu par la porte entrebâillée
de votre belle chambre les chambrières porter les seaux d’eau dans la cuve, et
ayant conclu que vous quitteriez le premier votre repue pour vous baigner,
s’est postée tout exprès sur votre passage pour toucher ce que vous nommez
votre cœur et partager avec vous, et la chambre, et la cuve, et le lit. Qui
veut la cage veut l’oiseau.
    — Et qui veut l’oiseau, veut aussi la cage, dis-je
roidement. Pour moi, sans vouloir trop paonner, j’oserais dire ici que
l’oiselle ne fut point rebelute à mes entreprises. Bien le rebours.
    — Se peut, dit Miroul, que vous fûtes une des
commodités auxquelles elle avait appétit : la cuve, le lit et vous.
    — Ou encore, dis-je en reprenant ma belle humeur, moi,
la cuve et le lit. Mon Miroul, te voilà ce matin dépit et vinaigreux

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