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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pourtant fin comme l’ambre,
conseilla un jour au roi Henri Quatrième, dans une de ses lettres, de renforcer
la conquête de son royaume par l’abstinence des voluptés qui dérobent le
temps et détournent des affaires.
    —  Et que fit le roi, dit La Surie, à lire
cet innocent conseil ?
    — Il le répéta à Mgr Du Perron, et ils en
rirent tous deux comme fols.
    À quoi nous rimes aussi.
    — Messieurs, dis-je en me levant et en saisissant un
des trois bougeoirs, plaise à vous d’achever sans moi ce flacon : je me
retire.
    — Je gage, dit La Surie avec un taquinant sourire,
qu’il est temps que votre sommeil vous dorme.
    —  Nenni. Je m’en vais profiter de ce bout de
chandelle pour me laver. Messieurs, je vous souhaite la bonne nuit. Pour moi,
une bonne cuve m’attend.
    Quoi disant, je m’engageai dans le viret et montai à
l’étage, où, à ma grande surprise, je vis sur le palier une forme humaine
étendue dans un renfoncement et, me demandant qui dormait là dans cette
malcommode posture, et à même le plancher, maugré l’inclémence du temps, je mis
un genou à terre, inclinai le bougeoir pour envisager la face du gautier,
duquel je ne pus voir que le nez, tant il était bouché dans son manteau. Et ce
nez et ces lèvres me paraissant être ceux d’un enfant ou d’une femme, je
soulevai de ma main senestre le pan du capuchon dans lequel, en raison de la
froidure, le quidam s’était ococoulé. Quoi faisant, à la lumière trémulente de
ma chandelle, je découvris, entouré de mignardes boucles noires, le plus joli
minois de la création, lequel me parut plus bel encore, quand l’inconnue, se
déclosant de son sommeil, ouvrit les yeux, lesquels étaient immenses, d’un noir
brillant et ornés de cils touffus.
    — Mamie, dis-je, étonné qu’elle ne parût pas plus
effrayée de ma soudaine apparition, que fais-tu céans à prendre ton repos et
somme sur la dure au lieu que de t’aiser au chaud dans une bonne coite ?
    — Monsieur le Marquis, dit-elle.
    — Quoi donc ? Tu me connais ?
    — Assurément, dit-elle, je suis une de ces pèlerines
que vous sauvâtes ce tantôt des caïmans du grand chemin. Je m’appelle,
poursuivit-elle avec un battement de cil des plus modestes, Marcelline Martin
et suis veuve d’un huissier à verge du parlement de Paris.
    — Madame, dis-je sachant bien que rien ne caresse
davantage une bourgeoise que d’être « madamée », je suis fort chagrin
de voir une personne de votre rang si mal accommodée.
    — Ha, Monsieur ! dit-elle, la grand merci à vous
de votre compassion. À la vérité, l’alberguière m’a baillé un lit, lequel
toutefois il me fallut partager avec deux pèlerines si grosses, si ordes, si
sales, si ronflantes et si remuantes que je n’y pus tenir plus de dix minutes
et, m’enveloppant de mon manteau, me vins réfugier céans.
    — Ha, Madame ! dis-je, je ne peux souffrir qu’une
personne de votre sexe endolorisse ses tant fragiles os à coucher sur un
plancher. Plaise à vous de prendre ma chambre et ma coite. J’irai dormir avec
mon écuyer.
    Là-dessus, il y eut, comme bien vous pensez, belle lectrice,
un assaut de civilités dont je sortis vainqueur, et prenant la belle huissière
par sa tendre menotte, je la fis lever et l’amenai à ma chambre où je l’allais
incontinent quitter, quand elle me dit :
    — Quoi, Monsieur ! Une cuve à laver ! Et
pleine d’eau claire et tièdelette ! poursuivit-elle en y trempant la
main ! Me ferez-vous le sacrifice, et de la chambre, et de la coite, et de
ce bain encore ! Ha, Monsieur, c’est trop ! Je ne le peux
souffrir ! Il vous faut au moins baigner avant que de départir. Monsieur,
de grâce ! Il vous suffira de tirer ce décent rideau entre la cuve et la
coite !
    — Madame, dis-je, je ne voudrais en rien offenser votre
pudeur.
    — Monsieur, ce rideau sauve tout. Et si vous nouiez,
par la Benoîte Vierge, je retourne à mon plancher ! ajouta-t-elle d’un air
mutin.
    — Madame, vous me tyrannisez !
    — Monsieur, de grâce, si vous débattez plus outre, vous
n’aurez plus assez de chandelle pour prendre votre bain. Voyez ! Elle
faiblit jà !
    — Eh bien, Madame, dis-je, me voici subjugué : je
fais, à la parfin, votre commandement.
    Et me dévêtant, je me plongeai dans l’eau de la cuve,
laquelle me parut délicieuse après les poussières et les fatigues de cette
longue trotte.
    — Monsieur, dit la belle huissière, de

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