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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pour ainsi parler, m’ococouler en sa rassurante luxuriosité.
    J’eus cette maison que je dis pour cinquante écus par mois
et, quoique La Surie en groignât, j’eus pour bien plus de cinquante écus
de bonheur à imaginer au milieu de ces statues, d’aucunes fort dénudées, de ces
colonnes, de ce cuivre doré et de ces draps d’or dont les murs étaient
tapissés, que j’étais un grand cardinal florentin, vivant au milieu de ces
beaux objets, en une sorte de cléricale oisiveté, relevée toutefois, seulement
pour le piquant, par quelque fine intrigue politique.
    — Je doute, Monsieur, que cette mollesse vous eût plu à
la longue ; et d’autant qu’un cardinal se doit à force forcée se passer de
femme.
    — Hé, Madame ! Croyez-vous cela ? N’avez-vous
pas ouï que d’aucuns prélats se croient dispensés de vertus et qu’à Rome même,
on répute de mœurs pures ceux qui n’ont eu qu’un bâtard en leurs vertes
années ?
     
     
    J’avais emmené avec moi Luc et Thierry, tant parce qu’ils
étaient, maugré leur âge, fort vaillants au combat que parce que je noulus les
laisser en mon logis de Paris, doutant que Franz à qui j’avais remis les rênes
aurait eu d’autorité assez pour les brider et les garder de faire chez moi les
zizanieux. Et dès le lendemain de mon installation en mon palais cardinalice,
je dépêchai Luc à M. l’abbé d’Ossat, quérant de lui de me recevoir, ce à
quoi il consentit, pourvu que ce fût à la nuitée, et avec une petite escorte,
et très à la discrétion. Toutes choses en quoi je lui obéis strictement.
    M. d’Ossat habitait dans la vieille ville un logis
modeste, mais fort commode, la douillette petite pièce où il me reçut étant
fort bien chauffée par un feu éclatant et, ce qui ajoutait encore à la tiédeur
du lieu, tendu sur tous les murs de velours pourpre : couleur qui devait
ramentevoir, je gage, à l’abbé ses plus secrètes ambitions. Lui-même était
assis dans un fort large cancan au creux duquel il me parut fort petit, mais ce
ne fut là que la vision d’un instant car dès qu’il m’aperçut, il se leva avec
vivacité et, m’assurant avec un profond salut de ses respects, il me pria de
prendre place sur le cancan, se contentant quant à lui d’une petite escabelle,
revêtue elle aussi de velours pourpre. Je noulus tout à trac. Et nous fîmes
assaut, l’un après l’autre, de tant de civilités, de respects et de chrétienne
humilité, appétant l’un et l’autre à rien d’autre que d’asseoir la moitié d’une
fesse sur ladite escabelle que nous serions encore à en débattre, si l’abbé
d’Ossat, qui ne manquait pas de sens commun, n’eût pris le parti de sonner une
petite cloche et de commander à ses gens d’apporter un deuxième cancan, sur
lequel, l’honneur sauf, je m’assis, et, fouillant dans mon pourpoint, lui remis
la lettre-missive à lui adressée par la reine Louise.
    Il la lut, me jetant par éclair un œil aigu par-dessus le
papier, ce qui me donna tout le temps d’examiner sa corporelle enveloppe,
laquelle était petite, menue et maigrelette à n’y pas croire, mais toutefois
chargée d’une considérable énergie, comme si les esprits animaux ayant, du fait
du peu d’étendue de ses membres, moins d’espace à parcourir et à mouvoir, se
fussent davantage concentrés dans le peu qu’il y avait là. Cette extrême
vivacité donnait à l’abbé d’Ossat l’aspect d’un oiseau, aspect qui était
confirmé par un petit nez en bec d’aigle, et des mouvements vifs et
sautillants, non seulement de son corps qui bougeait sans cesse des pieds, des
mains et du tronc, mais de la tête qu’il tournait constamment qui-cy qui-là
comme à l’affût du moindre péril qui l’eût fait s’envoler.
    De sa face, il avait un grand front auréolé de petits
cheveux blonds duveteux et angéliques qui tournaient doucement au blanc, des
yeux bleus perçants assez, le petit nez en bec de faucon que j’ai dit jà, une
bouche fraisière et féminine, et répandu sur cette physionomie aimable, l’air
aisé et content d’un homme qui ne se refusait pas ces petites tendretés que
dans l’état ecclésiastique on a si souvent pour soi-même.
    Il m’envisagea d’un air quelque peu perplexe et
interrogateur quand il eut achevé de lire la lettre de la reine Louise, et sans
dire mot ni miette, il me fit entendre par sa mine interrogative qu’il se
demandait bien pourquoi la reine m’avait mis

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