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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vraiment, mais est faite de villes mortes
superposées, j’avais, lecteur, tant appétit à la découvrir, que lassé comme
j’étais et à peine nos bagues remisées, et notre escorte accommodée en
l’auberge des deux Lions (laquelle s’élève quasiment à main dextre de la Porta
del Popolo par où nous étions entrés), je décidai, laissant Fogacer au
paresseux plaisir de la sieste, d’en faire le tour avec
M. de La Surie, ce qui me prit à peu près autant de temps que si
j’eusse fait le tour de Paris, les deux enceintes ayant, me semble-t-il, la
même circonférence. Mais Rome ne comptant point autant d’habitants ni si grand
presse de maisons, ni celles-ci si exhaussées un tiers au moins de l’espace
dans les murs n’était pas bâti. En revanche, je trouvai que les rues et les
places publiques étaient plus belles qu’en Paris, les maisons plus palatiales,
et je vis, par les rues, quantité de coches et de beaux chevaux témoignant
d’une grande richesse. Mais je ne laissai pas que d’être fort déçu de ne trouver
aucune rue marchande, alors que les boutiques en Paris, étant toutes
merveilleusement achalandées, méritent, tandis qu’on chemine, de bonnes œillées
à dextre et à senestre, même si le flux des clicailles en votre escarcelle
s’encontre trop bas pour acheter.
    La ville s’étend le long de la rivière du Tibre (qui est
réputée charrier quotidiennement autant de gens assassinés que la rivière de
Seine en Paris) et, au contraire de Londres, elle est plantée autant sur la
rive senestre que la rive dextre, mais rien, je dois dire, ne me parut plus
beau que la vieille cité, laquelle s’étage dans la partie la plus montueuse. Je
vis là de très belles maisons, lesquelles, comme souvent à Rome, avaient un air
de pompe, et m’étant enquis d’un passant à qui elles appartenaient, j’appris
que la plupart d’entre elles avaient comme heureux possesseurs des cardinaux
italiens.
    — Mais Signor, me dit le gautier, si tant ces
maisons vous plaisent, il vous sera loisible d’en louer une, par exemple
celle-ci dont les volets sont clos, et qui appartient au cardinal de Florence,
lequel préfère loger dans une autre qu’il possède aussi.
    À ce nom, je jetai une œillée à Miroul, le cardinal de
Florence étant un des rares prélats de Rome à aimer la France et à servir ses
intérêts.
    — Mais, dis-je, pour louer ce palais, il en doit coûter
une fortune ?
    — Point du tout, Signor, dit le gautier, lequel
était un petit homme maigrelet aux yeux tant vifs et fureteurs que ceux d’un
écureuil. Dites-moi seulement votre nom et où vous logez, et ce soir même, je
vous en porte la clé.
    — Je suis le marquis de Siorac, dis-je, et je loge à
l’auberge des deux Lions avec mon escorte.
    — Ha, Signor ! dit le gautier en joignant
les deux mains, vous êtes marquis et français ! Cela suffira à Mgr de
Florence ! Ce soir même, vous aurez la clef !
    Je l’eus, en effet, le soir même, et visitai le lendemain la
demeure du cardinal en compagnie du gautier de la veille, lequel prenant fort
au sérieux son rollet de cicerone, m’en chantait les louanges, toutes
inutiles, car j’y trouvai, outre de grandes écuries et de spacieux communs pour
loger mon escorte et mes montures, un fort beau jardin, quoique marmiteux assez
en la froidure de l’hiver et un logis qui me ravit, tout de marbre, de colonnes
et de statues, fort orné au surplus, les murs des salles communes, dont il y
avait au moins quatre en enfilade, étant tendues de cuir doré, et les chambres
tapissées de drap d’or et de soie : magnificence que je n’ai vue qu’au
Louvre. Car même en l’hôtel de ma petite duchesse, qui passe pourtant pour un
des plus beaux de Paris, je n’ai vu pareille pompe. Mais, belle lectrice, je
vous vois froncer votre mignon sourcil. Qu’en est-il de ce sourcillement ?
    — Monsieur, je suis béante : Appétez-vous de
présent au somptueux, vous que j’ai vu vous encolérer en Paris contre la
surabondance des laquais en la maison des Grands !
    — Belle lectrice, sur ce point-là en effet, je suis
adamantin. J’ai en grande détestation ces pléthores de valets, opinant que
n’étant pas mieux servi par vingt que par dix, ces débours-là sont inutiles. En
revanche, un vaste logis bien accoutré en toutes ses parties me flatte l’œil à
toute heure du jour, et pour peu qu’il ait toutes les commodités que l’usage
recommande, j’aime,

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