Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
quartier Saint-Denis à la Cité et de la Cité au
quartier de Hulepoix, et dès le lendemain me revint deux fois, la première par
Fogacer et la seconde par Pierre de L’Étoile, lequel se réjouit grandement
que le bon peuple, dans une taverne, eût « de soi » rabattu le caquet
et l’arrogance de ces indéracinables ligueux qui repoussaient comme chiendent
sur le fumier de nos malheurs. Toutefois, lecteur, si vous avez le cœur piteux,
ne vous alarmez pas, la farce ne finit pas en tragédie. Ni le Martinet ni les
siens ne jetèrent par le nœud d’une corde leur dernier regard vers le ciel
(dont ils se disaient inspirés), mais pour emprunter son image audit Martinet,
« épousèrent » quelques mois la Bastille qui, bien que dure et
revêche garce, n’est point tant froidureuse que la rivière de Seine à laquelle
il me voulait marier.

 
CHAPITRE XII
    Que le lecteur me pardonne de l’avoir amusé par cette
affaire de la taverne dont il s’apense sans doute que ce n’était que broutille
dans le péril inouï de l’heure. Il est vrai, mais bonne leçon aussi pour ces
traîtres ligueux de Paris qui voulaient jà nous mettre à la broche espagnole
avant que de nous avoir attrapés et plumés, imitant en cela les Grands, comme
le comte de Soissons à qui le roi avait, en vain, écrit deux fois de venir le
retrouver sous Amiens ; comme le comte d’Auvergne, lequel quittait la Cour
sous le prétexte qu’on ne l’avait pas encore fait duc ; ou le vicomte de
Tavannes qui, sous Amiens, reprochant à Sa Majesté avec les grosses dents
de ne lui avoir point encore baillé le maréchalat qu’Elle lui avait promis,
déserta incontinent, courut intriguer à Paris où M. de Vie tout de
gob l’embastilla.
    Pour revenir au comte d’Auvergne, le lecteur connaît jà ce
fils bâtard de Charles IX, sous le nom de Grand Prieur qui était le sien à
la mort de Henri Troisième. Étrange seigneur, resplendissant de talents, de
beauté, d’esprit et de vaillance ; en bref, la perfection même, s’il n’eût
été si voleur. Oui-da ! Et jusqu’à envoyer ses laquais dépouiller les
passants dans les rues à la nuitée ! Henri Quatrième, en sa gaussante
clémence, l’appelait « l’enfant prodigue », et prodigue il l’était
sans doute, mais homme aussi, si son père avait tué le veau gras pour lui, à
lui rober au réveil tous ses autres veaux, gras ou maigres.
    Quant aux robeurs, précisément, je n’avais pas, en mes
voiturements de Paris à Amiens, épargné les précautions, jugeant bien que
transporter un monceau d’envitaillement en pays affamé et cent cinquante mille
écus au beau mitan d’un royaume ruiné, et qui pis est, sur une distance de
quarante lieues [106]  –
ce qui ne se pouvait faire en une seule étape, ni même en deux – c’était
véritablement tenter le diable. Comme j’ai dit jà, j’avais voulu une escorte
plus rapide que forte, sans piétaille, qu’elle fût suisse ou non, et uniquement
composée de cavalerie, mais de cavalerie légère (toutefois abondamment garnie
en armes à feu) et, pour la même raison, j’avais remplacé les charrettes par
des coches, me contentant d’en faire renforcer les essieux et d’emmener avec
moi un charron au cas où j’aurais quelque embarras de ce côté.
    Et encore que la meilleure Porte parisienne pour départir
fût la Porte Saint-Denis, je ne l’empruntais quasiment jamais, pas plus que je
n’empruntais le chemin le plus court qui passait par Clermont et Montdidier,
sauf au retour où, n’ayant rien à convoyer, je n’avais pas d’embûche à
craindre. Je pris garde, bien au rebours, de décider l’itinéraire au dernier
moment et de le varier à chaque fois, et au lieu de gîter en une ville à
l’étape, je préférais retirer mes voitures dans un château qui présentait
quelques sûretés, et encore n’en prévenais-je le possesseur (s’il n’était pas
sous Amiens) qu’au dernier moment, en lui assurant, toutefois, qu’il ne lui
coûterait pas un sol.
    Je divisais mon escorte (qui était forte de deux cents
cavaliers) en trois, l’avant-garde, forte de cinquante chevaux, étant placée
sous le gouvernement de M. de La Surie, convoyait les coches les
plus légères, c’est-à-dire celles qui contenaient l’envitaillement. Le gros des
forces que je commandais comptait cent chevaux et avait la charge de l’or. Et
enfin l’arrière-garde, de cinquante chevaux, commandée par Pissebœuf (qui

Weitere Kostenlose Bücher