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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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m’appelle.
    — Chevalier, dit M me  de Sourdis,
avec un fort charmant souris, je vous souhaite la bonne nuit.
    À quoi La Surie lui fit un nouveau salut et dit :
    — Madame, vous rendre le souhait serait superflu. Quand
on est aussi belle que vous, Morphée [107] a de particulières douceurs.
    Cela fut prononcé avec le plus grand sérieux et à peu que
notre belle chatte, en l’oyant, ne se mît à ronronner. Toutefois, en passant
derrière elle pour se retirer, La Surie me fit de la main un geste,
assurément inutile, qui m’incitait à la défiance.
    — Monsieur mon ami, dit M me  de Sourdis
dès que nous fûmes seuls, en advenant de prime dans ma chambre, j’ai observé,
en passant devant la vôtre, où vous n’étiez pas encore, que votre cheminée
flambait plus allègrement que la mienne et qu’on avait disposé sur votre table
un flacon de vin. Me permettez-vous, dès que mes femmes m’auront délacée, de
venir vider avec vous un gobelet amical en chauffant ma petite personne à votre
feu d’enfer ?
    — Cet enfer, Madame, se fera à votre paradis. Mais
peut-être aimeriez-vous me devancer quelque peu pendant que je monte à
l’étage ?
    — Monsieur, encore un coup, votre discrétion
m’enchante. Et j’admire en vous cet être si rare : un gentilhomme qui
sait, en toute occasion, garder les distances, les convenances et les
apparences…
    Après que je lui eus, en tout respect, baisé la main, la
belle saillit donc seule de la salle, précédée d’un géantin laquais qui portait
un candélabre, car il allait sans dire qu’il fallait bien tout un bouquet de
chandelles pour éclairer une si haute dame.
    Je ne saurais vous cacher que le gobelet amical se prolongea
pendant trois grosses heures, et plaise à vous, belle lectrice, tandis que je
suis ainsi occupé, de me permettre de laisser mon corps à M me  de Sourdis
(qui n’avait cure de mon âme) et de revenir à vous, car j’ai fort sur le cœur
que vous m’ayez soupçonné d’avoir menti sans nécessité à ladite dame au sujet
de l’or que je voiturais. Mais il se peut qu’après avoir ouï mon entretien avec
elle, vous commenciez jà à vous apenser que les intentions de la belle – à
en juger par son accident contrefeint, les questions insidieuses qu’elle venait
de me poser, et sur l’or, et sur les lettres-missives qu’elle supposait
confiées à mes soins – n’étaient pas, par quelque bout qu’on les prît,
tout à fait innocentes. Et il se peut aussi que de présent, vous vous
ramenteviez que si Pierre de Lugoli avait refusé de confier à
M. de Cheverny le rubis des jésuites, ce n’était pas uniquement parce
que le chancelier était l’amant de M me  de Sourdis, mais
parce que celle-ci était la tante – assurément une tante fort jeune –
de la marquise de Montceaux, dont elle favorisait avec tout le zèle du monde la
fortune, laquelle n’était pas sans avantager la sienne. Si donc M me  de Sourdis
avait appris de moi que je voiturais cent cinquante mille écus au roi sous
Amiens, elle n’eût failli d’en prévenir Gabrielle, laquelle incontinent eût
fait le siège du roi pour prélever sa dîme. Ce que je noulais du tout, n’étant
pas le seul à penser que la mignote coûtait prou au royaume, surtout quand la
pécune pour faire la guerre était si dure à racler.
    Raison aussi pour quoi, me ramentevant ses questions sur les
lettres-missives et montant dans ma chambre une minute après que M me  de Sourdis
eut gagné la sienne pour se livrer au dérobement de ses femmes (lesquelles, je
gage, en l’attendant, avaient dû bâiller de sommeil et d’ennui), de prime je
fermai doucement au verrou la porte qui me séparait d’elle, et ouvrant mon
coffre de voyage, y pris la lettre que M. de Rosny m’avait confiée
pour le roi et, me haussant sur la pointe des pieds, la posai sur le ciel de
mon baldaquin : entendez à une hauteur à laquelle M me  de Sourdis,
étant petite assez de sa taille, ne pouvait en aucun cas atteindre.
    Cela fait, je me mis en robe de chambre et fis flamber mon
feu.
    La belle aimait les hommes, comme j’ai dit, et encore que sa
visite chez moi ne fût qu’un moyen dont je savais bien le propos, toutefois le
moyen lui devint, au moins pour un temps, une fin, tant elle s’y livra avec
naturel, avec élan. Toutefois, je sentis fort bien le moment où, rassasiée, mais
contrefeignant de ne pas l’être, elle voulut poursuivre nos tumultes

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