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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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si fort que
j’estime M me  de Guise, je n’eusse mie accepté cette
mission en Reims, si Sa Majesté n’y avait été consentante.
    — Monsieur, dit M me  de Montceaux
en faisant un geste à sa chambrière de laisser là ses cheveux, et pivotant
gracieusement sur son escabelle, elle me fit face : Monsieur, je l’ai bien
entendu ainsi, et si jamais je recours moi aussi à votre serviciableté, ce ne
sera pas sans m’être assurée, au préalable, de l’assentiment du roi.
    Quoi disant, elle m’envisagea, non sans gravité, de ses
grands yeux azuréens, me laissant comme étourdi de sa beauté, et en particulier
de l’extraordinaire transparence de sa carnation. Au surplus, j’avais trouvé sa
repartie tant prompte que fine, et sa finesse m’étonnait, et plus encore la
douceur de ses traits, laquelle, si j’en croyais ma petite duchesse, n’était
pas qu’une apparence.
    — Madame, dis-je avec un petit salut, croyez bien que
dans ces conditions je me sentirais très félice de vous rendre tout service,
grand ou petit, que vous pourriez quérir de moi.
    — Ha, Monsieur ! dit-elle, que voilà une parole
aimable et qui achève à merveille le portrait que m’ont peint de vous ma tante
et M me  de Guise !
    Quoi disant, elle sourit, et je fus très frappé alors par la
lumière de sa belle face. Tout y était clair : le sourire, le teint,
l’œil, le cheveu…
    Suivit un silence, pendant lequel m’envisageant, et voyant à
quel point j’étais tout ensemble ébloui par sa beauté et conquis par sa
gentillesse, elle comprit qu’elle pouvait quérir de moi le service qu’elle
avait dedans l’esprit sans crainte d’être rebutée.
    — Hé bien, Monsieur ! dit-elle avec l’esquisse d’une
contrefeinte timidité, maintenant que je vous vois dans ces bonnes dispositions
à mon endroit, j’ose vous prier de vous entremettre auprès de ma bonne amie M me  de Guise
pour qu’elle me vende un grand domaine dans le Champenois près du village de
Beaufort que, faute de moyens (sa maison étant fort appauvrie), elle laisse
quelque peu à l’abandon.
    Je fus béant de cette étrange prière, et dans l’embarras où
elle me jetait, n’étant disposé ni à la rebuter ni à l’accepter, je demeurai
coi un assez long moment, sans que la Gabrielle me tendît la moindre perche
pour me sortir de ma mésaise, se bornant à me considérer d’un air doux, amical
et paisible comme si elle ne doutait pas de mon acceptation.
    — Madame, dis-je à la parfin, je serais fort enclin à
être en l’espèce votre personnel ambassadeur auprès de M me  de Guise
pour peu que Sa Majesté veuille bien me dire qu’elle m’agrée, elle aussi
dans ce rollet.
    — Monsieur, dit la Gabrielle avec un rire clair, il
l’agrée d’autant plus que c’est lui qui m’a suggéré votre nom, ayant toute
fiance en vos talents de persuasion.
    Ha ! m’apensai-je, le rusé Béarnais ! Comme il
s’entend à tirer parti de tout ! Étant le seul à la Cour à connaître, par
sa mouche, mon lien particulier avec M me  de Guise,
il m’emploie à la convaincre d’une vente où, pour des raisons évidentes, il ne
veut pas lui-même apparaître.
    — De reste, poursuivit la marquise de Montceaux, le roi
vous le dira lui-même, quand vous irez prendre congé de lui, puisque je lui ai
ouï dire que vous êtes sur votre départir pour la capitale.
    — Madame, dis-je, le plus gracieusement que je pus, je
ne sais si M me  de Guise consentira à cette vente, les
Grands de ce royaume étant fort attachés à leurs terres, même quand ils n’en tirent
rien. Mais, croyez bien que je n’épargnerai aucun argument pour qu’elle vous
satisfasse. Toutefois, ajoutai-je…
    — Toutefois ? dit-elle, voyant que je laissai ma
phrase en suspens.
    — Il me semble, dis-je, en me donnant les gants
d’hésiter, que si vous consentiez à donner à la duchesse de Guise une
marque de votre particulière amitié pour elle, elle ne faillirait pas que d’y
être très sensible, ce présent pouvant, de prime, disposer son esprit à être
davantage pliable à vos volontés, quand on en viendra au nœud de l’affaire.
    Ceci la laissa songeuse, mais peu de temps.
    — Monsieur, dit-elle en souriant, j’augure bien de
votre ambassade : vous connaissez si bien les femmes. Louison, reprit-elle
avec promptitude, donne-moi ma cassette.
    Ladite cassette eût davantage mérité de s’appeler coffre,
étant si grande et si lourde

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