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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’empêcher de vous prévenir de notre présence dedans les murs, et
le libérer. Enfin, exiger de M. de Saint-Paul qu’il fasse saillir la
garnison espagnole de la Porte-Mars pour la raison que vous ne serez jamais le
maître ni de la ville ni de Saint-Paul tant qu’elle sera là.
    — Mais je l’ai fait ! s’écria le duc de Guise
avec un renouveau de sa fureur. Ce matin même ! Au jeu de paume ! En
jouant avec lui ! Le voyant de bonne humeur, m’ayant gagné dix écus, je
lui ai dit : « ma taille – je l’appelle “ma taille” pour ce
qu’il est de la même hauteur que moi – donne-moi ce plaisir et au peuple
ce contentement : fais sortir de Reims la garnison espagnole. – Mon
maître, me répondit-il aussitôt avec une incrédible hautaineté, ne me parlez
point de cela ! Car il ne s’en fera rien. »
    « Eh bref, Siorac, poursuivit le duc, l’œil enflammé,
il a osé me rebuter, moi, le duc de Guise ! lui, ce fils de laquais
sorti de je ne sais quelles fanges ! Et le jour même, multipliant les
écornes à mon endroit, il a attenté de séquestrer un de mes parents et d’occire
mon secrétaire.
    Là-dessus, au comble de son ire, le duc, avec une
émerveillable agilité, et une promptitude de gestes qui me laissa béant, saisit
l’épée qu’il avait le moment d’avant jetée sur sa coite et en porta au
mannequin un coup terrible qui le transperça de part en part.
    — Observe, Péricard, dit le prince en retirant sa lame.
Observe, je te prie, quels progrès j’ai faits : De présent je la lui
fourre à tous les coups dedans le cœur.
     
     
    Le prince de Joinville ayant laissé à Péricard et à moi-même
le ménagement de notre expédition nocturne, nous convînmes primo, les
forces ducales montant à une soixantaine d’hommes, que nous n’en prendrions
avec nous qu’une moitié, laissant l’autre au logis, avec mission de s’y
remparer et de serrer aussitôt prisonnier quiconque – soldat, laquais ou
chambrière – attenterait d’en saillir, pour ce qu’il y aurait alors grande
suspicion que celui-là serait un espion qui voudrait courre prévenir Saint-Paul
de nos mouvements. Secundo, que les deux gentilshommes de Quéribus,
lesquels étaient navrés, mais point grièvement, seraient gardés ès chambres
secrètes, sans autre communication que le barbier-chirurgien qui les pansait. Tertio, que Quéribus et moi-même (ceci au grand dol de Quéribus) recevraient des
pourpoints de buffle et se mettraient sur le chef des morions, afin que de
passer pour de simples officiers du prince. Quarto (et pour les mêmes
raisons), que Pissebœuf et Poussevent seraient (à leur inexprimable
indignation) vêtus aux couleurs de Guise et confondus avec ses gardes.
    Le souper expédié, la lune, qui était pleine et brillante et
éclairait une nuit froidureuse qui se ressentait fort peu du printemps, nous
conduisit sans torche jusqu’à la Porte Ouest, où nous trouvâmes nos vaillantes
milices bourgeoises tout à plein ensommeillées, sans qu’un seul homme fût posté
en sentinelle sur ses remparts.
    — Vramy ! dit le duc en faisant irruption dans le
corps de garde ; si le roi avait attaqué cette nuit par la Porte Ouest, il
prenait la ville ! Sergent, poursuivit-il en posant sa dague sur la
poitrine dudit (le même qui m’avait déclos la porte piétonne à mon advenue à
Reims), dis-moi sur ta vie où s’encontre le lieutenant Rousselet.
    — Mais céans, Monseigneur, dit le sergent, les lèvres
trémulentes. M. de Saint-Paul le tient serré dans la cellule que
voilà depuis hier matin, laquelle est close d’un cadenas dont il a emporté la
clef.
    — Et qui diantre ! cria le duc, vous a retenu de
faire sauter ce misérable cadenas d’un coup de masse pour libérer votre
lieutenant ?
    — Monseigneur, dit le sergent, un homme n’a qu’un cou
pour faire passer son vent et haleine, le boire et le manger.
    — Lequel cou, dit Péricard, va te faillir incontinent,
si tu ne déclos cette porte.
    — Monseigneur, dit le sergent au duc de Guise,
m’en donnez-vous l’ordre ?
    — Oui-da !
    — Sur ma vie ?
    — Dois-je te l’ôter pour t’en convaincre ?
    — Compères, dit le sergent aux quatre ou cinq hommes
des milices qui se trouvaient dans le corps de garde, vous m’êtes témoins que
Mgr le duc de Guise m’a donné l’ordre sur ma vie de rompre ce
cadenas ? Rabourdin, va quérir une masse !
    — Compère, dit Rabourdin, me le

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