Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
Il ne le fit toutefois, Péricard réussissant à lui passer
la bride.
    Comme il avait été décidé que les trente hommes
de Guise demeureraient avec Rousselet pour le protéger, et que les trente
miens se rempareraient dans le logis du duc, je laissai le duc prendre les
devants avec Péricard et restai quelques instants avec le lieutenant, lequel,
tout mangeant et buvant, me fit des merciements à l’infini pour sa délivrance,
sachant bien qu’il ne la devait qu’à moi.
    J’affectionnais ce petit Rousselet tout rondelet dont l’œil
noisette reprenait son éclat et sa joyeuseté, tandis qu’il mâchellait ses
viandes. Et comme jetais alors seul à sa table, avec lui trinquant, je lui
annonçai bec à bec l’advenue de Mayenne pour que, le disant à ses hommes –
lesquels vivaient à ce que j’avais vu, en grande terreur de Saint-Paul –
il leur fit reprendre cœur, l’étoile de leur tyranneau pâlissant. Ce que bien
il entendit, mais cependant, comme je lui vis faire la lippe au nom de Mayenne,
j’entrepris de tâter, à travers lui, le pouls des Rémois, voyant bien que
Rousselet était en grande autorité parmi eux.
    — Vramy, Monsieur le Marquis, me dit-il à voix basse en
jetant un œil aux alentours, vous vous doutez bien de ce que sont apensés les
Rémois céans, et qui tient en deux mots : paix et négoce. Nous sommes
fatigués de ces curés, qui, plus catholiques que le Primat des Gaules, disent
pis que pendre de la conversion du roi, et ne prêchent que sang et massacre.
Nous sommes excédés de ces Espagnols et du gautier qui les a chez nous
introduits. Pour dire le vrai, nous n’aimons pas davantage les Mayenne et
autres Guise dont la turbulence depuis un demi-siècle a causé tous nos maux. Et
par-dessus tout, Monsieur le Marquis, nous haïssons cette interminable guerre
civile qui nous ruine trestous en nous empêchant de vendre nos laines en Paris.
En bref…
    Et comme sur ces mots il s’accoisait, je dis en l’interrogeant
de l’œil.
    — En bref ?
    —  Paucis verbis [9] reprit
Rousselet en approchant sa face de la mienne et me parlant à voix très basse,
nous n’appétons qu’à une chose : nous donner au roi ; et qu’il nous
avantage des immunités et franchises qu’il a baillées à celles des villes
ligueuses qui à lui se rendent.
    — Eh bien, dis-je sur le même ton, que ne prenez-vous
ladite chose en main ? Et que ne dépêchez-vous quelques-uns des vôtres à
la Cour, pour prendre langue avec le roi ?
    — Avec le roi ! dit Rousselet en haussant ses
rondes épaules et en portant au ciel ses yeux noisette, comment
oserions-nous ?
    — Mais, dis-je tout uniment, en passant par moi qui
vous recommanderai à M. de Rosny, lequel vous oirra à doubles
oreilles. Mon ami, poursuivis-je en lui mettant la main sur le bras, je demeure
en Paris près du Louvre, rue du Champ Fleuri, et ma porte vous sera déclose au
seul bruit de votre nom.
    — Je m’en ramentevrai, dit Rousselet, non sans quelque
émeuvement.
    Après quoi, m’envisageant un instant en silence, son œil
tout soudain brilla de gaieté, et sa ronde face fendue d’un sourire, il dit
d’un ton gaussant :
    — Avouez, Monsieur le Marquis, que le Saint-Paul ne
s’est guère trompé en vous serrant en geôle…

— Et vous en cellule ! dis-je en riant.
    Là-dessus, me levant pour départir, il se leva aussi pour me
marquer quelque respect, mais moi me ramentevant comment se déportait mon
maître Henri Quatrième avec les manants et habitants des villes, et de quelle
émerveillable simplicité il usait avec eux (se les attachant prou par là) je
lui donnai une forte brassée : condescension qui le fit rougir de plaisir
et scella notre connivence.
    Je n’avais pas voulu que mon Miroul assistât à ce bec à bec,
de peur que sa présence ne cousît les lèvres de Rousselet, mais j’étais si
content de cet entretien que sur le chemin du retour, je lui en dis ma râtelée,
Quéribus avec nous marchant, mais ne m’écoutant que de la moitié d’une oreille.
    — Cornedebœuf, Moussu ! me dit Miroul, voilà qui
est machiavélien ! Vous venez céans pour aider le petit Guise à se défaire
du Saint-Paul, et une fois sur place, vous poussez Rousselet à traiter avec le
roi par-dessus la tête du Guise.
    — Dans les deux cas, c’est le roi que je sers, dis-je avec
un sourire. Je mets pour lui deux fers au feu ; traiter avec Guise ou
traiter avec les Rémois.
    — Et si Rousselet

Weitere Kostenlose Bücher