Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
vient à Paris s’aboucher avec
M. de Rosny ?
    — Sans pour autant le nommer, je ne faillirai pas à en
avertir Guise.
    — Cornedebœuf ! Machiavel encore ! Et
pourquoi donc ?
    — Pour que Guise, craignant que les Rémois ne lui
coupent l’herbe sous le pied, rabatte prou de ses demandes au roi.
    — Moussu, m’est avis que si fine que soit votre
mission, vous raffinez encore sur elle. Pourquoi cela ?
    — J’aimerais, Miroul, dis-je contrefeignant un ton
léger et gaussant, que le roi me dise, à mon retour, que moi aussi, comme
Nevers, j’ai le sens des grands intérêts de l’État…
    — Monsieur mon frère, dit Quéribus de son air le plus
mal’engroin, fasse le ciel, dans tous les cas, qu’on en finisse céans au plus
vite ! Je n’ai vécu qu’un seul bon moment en cette mission : quand,
l’épée au poing, j’ai couru sus aux assassins de Péricard. Pour le reste, je
n’entends rien à ces brouilleries et je suis bien étonné que vous y preniez
plaisir.
    Le duc au logis était jà couché, mais Péricard nous
attendait pour boire avec nous la dernière coupe avant de dormir. Laquelle
toutefois, M. de La Surie refusa, s’allant tout droit à sa
coite. Je tirai avantage de cet instant pour quérir de Péricard quand le prince
de Joinville devait le lendemain encontrer le Saint-Paul.
    — Après messe, à l’église Saint-Rémi.
    — Plaise à vous, Péricard, de me faire désommeiller à
six heures et de me bailler un homme qui puisse me guider jusqu’à ladite église.
J’aimerais avec quelques-uns des miens aller voir la face des lieux avant
ladite encontre. Quand le duc de Mayenne a-t-il dit, dans son message, qu’il
serait céans ?
    — À la pique du jour. En conséquence, j’ai fait aposter
des hommes de place en place sur les remparts avec mission de m’informer
incontinent de son advenue.
    — Péricard, dis-je gravement, de grâce, veillez à ce
que le duc aille à messe très fortement accompagné. Il se pourrait que le
Saint-Paul, dont la hardiesse est sans limites, tente quelque action désespérée
avant l’arrivée de M. de Mayenne.
    — J’y ai songé, dit Péricard.
    Je trempai mes lèvres dans la coupe, laquelle contenait un
vin léger et pétillant que je ne trouvai pas « des pires », comme eût
dit Rabelais, et ce faisant, j’envisageai Péricard. Voilà un homme,
m’apensai-je, à qui la nature a quasi tout donné : l’esprit, la sagesse,
la prudence, la force du corps, la beauté de la face, tout, hors la bonne
fortune d’être né duc ; position qu’il occuperait pourtant avec beaucoup
plus d’éclat que son maître.
    Péricard, qui était la finesse même, dut deviner mon
pensement, car tout soudain il me sourit, et moi encouragé par l’amitié de ce
sourire, je lui posai, toute imprudente qu’elle fût, la question qui me brûlait
le bec.
    — Savez-vous pourquoi Mayenne soutient son neveu contre
Saint-Paul ? Ce n’est pourtant pas l’intérêt de la Ligue, Saint-Paul étant
assurément meilleur ligueux que Guise.
    — C’est que, pour M. de Mayenne, dit
Péricard, avec un sourire du coin de la bouche, pour le duc de Mayenne… le sang
passe avant la Ligue. Il a poignardé de sa main un de ses propres capitaines,
pourtant fort vaillant, qui avait eu l’audace de prétendre à la main de sa
fille : prétention à ses yeux criminelle. Que penser alors d’un roturier
comme Saint-Paul qui a l’audace de vouloir supplanter son neveu ?
    — Saint-Paul s’en doute-t-il ?
    — Point du tout. Le pouvoir espagnol l’a grisé. Il se
prend pour ce qu’il prétend être : le duc du Rethelois.
    — Je bois au duc de Guise, dit Quéribus qui
jusque-là avait paru s’ensommeiller sur pié.
    — Je bois à ses sûretés, dis-je en écho en levant ma
coupe, et tout soudain je fus saisi d’un sentiment fort pénétrant
d’irraisonnable étrangeté, me ramentevant que cinq ans plus tôt, au château de
Blois, caché derrière un rideau, aux côtés d’Henri Troisième, j’avais vu tomber
sous les coups des quarante-cinq le père du haut seigneur dont je buvais
cette nuit la santé en formant pour sa vie menacée les vœux les plus sincères.
     
     
    L’honnête Péricard en personne vint le lendemain me
désommeiller, et je quis de lui, outre le guide promis, deux de ses soldats,
lesquels se trouvant, comme Pissebœuf et Poussevent, habillés aux couleurs
de Guise, prêteraient quelque vraisemblance à mes

Weitere Kostenlose Bücher