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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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Liberty, ça ne sera pas nécessaire.
    — Si l’un de vous remet ça, promit Wills, je finirai le
boulot à votre place. On a assez d’ennemis en face, pas besoin de se taper
dessus entre nous. »
    Au loin, on voyait le vieil homme claudiquer d’un pas
fiévreux, vers les lignes nordistes et l’espoir de devenir soldat.
    Le détachement reprit sa marche dans un silence tendu. Vail
se massait le cou.
    « Tu veux mon bandana pour te faire un
pansement ? » lança Strickling. Pour lui, l’incident n’était qu’une
vaste blague hilarante.
    « T’es le prochain sur la liste, espèce de cafard plein
de merde », grommela Vail.
    Cinq kilomètres plus loin, ils arrivèrent à une belle maison
blanche à étage entourée de chênes et de magnolias. Une femme émaciée, aux
traits pâles et sévères, se tenait sur la véranda, flanquée de plusieurs
enfants, garçons et filles, d’âges divers, tous jetant sur l’ennemi en marche
le regard d’une famille endeuillée attendant sur un quai de gare un train en
retard. Deux servantes traînaient nerveusement sur le seuil.
    Wills s’avança et, portant la main à son chapeau, dit :
« Madame Sarah, je présume ? »
    Rien ne bougea sur la verranda, sinon les lèvres de la
femme. « Oui, dit-elle. Je n’en attendais pas moins d’un goujat de
Yankee : oser appeler une dame par son prénom sans lui avoir été présenté.
C’est le comble de la présomption.
    — Dans ce cas, je vous fais mes excuses, madame. Vous
comprenez, nous avons rencontré un Noir tout à l’heure sur la route, et c’est
le seul nom qu’il nous a donné.
    — Les cheveux blancs, une veste crasseuse, une oreille
mutilée ?
    — Voilà qui me paraît une description assez juste.
    — Hiram, ce bâtard noir ! Si vous l’aviez fouillé,
vous auriez trouvé sous ses vêtements l’essentiel de mon argenterie, noué dans
des sacs.
    — Et merde ! lâcha Strickling. J’ai bien cru entendre
quelque chose tinter quand il a mis les voiles.
    — Oui, reprit la femme. Vous autres, les Yankees, vous
allez avoir une belle surprise quand vous aurez libéré tous ces gens, et que
vous serez obligés de vivre et de travailler avec eux. Bien fait pour
vous ! C’est tout ce que vous méritez.
    — Si vous permettez, s’enquit Wills poliment, à qui
ai-je l’honneur de m’adresser ?
    — Je suis M me  Sarah Popper, et voici
mes enfants, Brett, Wade, Thomas et Liza. » Là encore, il n’y eut pas un
mouvement. Les enfants ressemblaient à des statues peintes, groupées sur la
verranda à des fins ornementales.
    « Ravi de faire votre connaissance, madame Popper. Je
suis le lieutenant Wills, et, avec mes gars, nous sommes venus vous demander,
sauf votre respect, si vous avez de la nourriture disponible dans votre
propriété. Nous sommes autorisés à réquisitionner tout comestible que nous
jugerons approprié. Nous venons de loin, vous comprenez, et on a sacrément
faim.
    — Et qui vous a donné cette autorisation ?
    — Le général Sherman, madame.
    — Je ne reconnais ni cet homme ni son autorité, et je
souhaite que vous partiez immédiatement.
    — Je suis navré que vous pensiez ainsi, madame Popper,
car franchement, sauf votre respect, votre avis sur la question n’a aucune
importance.
    — Si j’étais un homme, jamais vous n’oseriez me parler
ainsi.
    — Non, madame, car si vous étiez un homme je vous
aurais sans doute déjà collé une balle. » Il se retourna. « Allez,
les gars, fouillez la propriété. »
    Vail et Strickling se dirigèrent aussitôt vers la maison,
Liberty et Otis vers la grange et les dépendances.
    « Êtes-vous toujours mariée, madame
Popper ? » demanda Wills tandis que Vail et Strickling grimpaient
bruyamment les marches, avant de bousculer les esclaves effrayées blotties sur
le pas de la porte. En passant, Vail grogna : « Pousse-toi, négresse,
salope ! »
    « Oui, lieutenant Wills, je suis mariée, admit M me  Popper
en serrant contre elle sa fille en larmes.
    — Et où se trouve votre mari ?
    — Il n’est pas là. Il se bat héroïquement pour sa
patrie.
    — Il y a d’autres hommes ici ?
    — Seulement les serviteurs, ceux qui sont restés, et je
ne saurais vous dire combien il y en a. Chut, fit-elle à sa fille en lui
tapotant tendrement le dos. Je suppose que vous avez atteint votre objectif,
lieutenant Wills, en terrorisant des femmes sans défense et en faisant pleurer
des enfants. Nous savions

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