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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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« Sauf
votre respect, madame, Beacon Hill est situé sur une hauteur légèrement plus
prononcée que cette poêle à frire pour culs-terreux. »
    Avant qu’elle ne puisse concocter une réponse suffisamment
assassine, Ike le Velu s’écria fébrilement : « J’ai cru entendre
quelque chose. Oh oui, je crois bien entendre quelque chose. »
    Tous se figèrent, attentifs aux notes dissonantes de la
terre sans repos.
    « Le vent, conclut M me  Conklin. Rien de
plus. Ce n’est que le vent. »
    Les malicieux zéphyrs de l’après-midi s’étaient transformés
en rafales violentes et sans trêve manifestement issues de quelque vaste
chambre souterraine, un torrent d’air noir charriant des particules assez minuscules
et granuleuses pour piquer la peau et se loger aisément dans le moindre orifice
ou repli du corps, le tout accompagné par un hurlement diabolique dont le
volume et la monotonie anéantissaient tout espoir de soulagement.
    « J’ai jamais entendu un vent pareil dans l’Est, dit
Potter.
    — Oh non, monsieur, confirma M me  Conklin.
J’en suis certaine. Et vous ne vous êtes pas non plus trouvé sur son chemin
nuit et jour, d’heure en heure et de saison en saison, en vous fourrant dans
les oreilles des bouchons de cire, des boules de flanelle, des haricots secs et
Dieu sait quoi encore dans l’espoir d’atténuer ce cri de damné pour tenir au
moins jusqu’au lendemain, et ne pas vous tirer tout de suite une balle dans la
tête. Un mois, un mois dans ce pays, ça suffit pour que le vent s’infiltre dans
les méninges, et ensuite impossible de s’en protéger. Et puis, quand enfin on
croit s’être habitué à ce bruit confus, il se met à vous parler, et c’est votre
voix que vous entendez, pas la voix de la bouche, mais la voix de l’âme, celle
qu’on entend quand on est seul, et elle vous murmure vos plus secrètes
pensées. » Elle jeta un bref regard à la forme râlante sous la toile.
« Quand le patron ne sera plus là, je me dis que je vais charger les
gamins dans le chariot et partir pour l’Oregon.
    — Une sacrée trotte, remarqua Potter.
    — Je ne crains pas les distances, proclama-t-elle en le
toisant d’un œil sans pitié. Ni la mort, ajouta-t-elle.
    — J’ai entendu dire, glissa Jack Stringfellow, que là-bas
ils font pousser des cerises grosses comme des pommes.
    — Pareil pour les castors, dit le P’tit Johnny Phelps.
    — Et c’est toujours le printemps, renchérit Spelvins.
Personne ne tombe jamais malade.
    — Tout ça, c’est de la foutaise, rétorqua Ike le Velu.
C’est pour l’or qu’on va là-bas. J’ai un associé qui est parti il y a une
dizaine d’années, quand tout le monde avait la fièvre de l’or, il s’est
installé dans la vallée de la Willamette et, au bout d’un an, il a envoyé une
belle photographie de lui devant un trou dans le sol, avec à la main une pépite
grosse comme le pouce. Le lendemain, toute la famille est partie le rejoindre.
    — Et qu’est-ce qu’il est devenu ? demanda
Spelvins.
    — Je sais pas au juste. J’ai plus jamais entendu parler
de lui.
    — Pas d’esclaves, dit M me  Conklin.
    — Je vous demande pardon ? fit Spelvins.
    — Pas d’esclaves, répéta-t-elle. Dans l’Oregon. Il n’y
a pas d’esclaves là-bas.
    — Cette fois, je crois bien que j’ai entendu quelque
chose, annonça Ike le Velu en inclinant vers le mur son chapeau informe.
    — Comme un roulement de tambour ? » demanda
Stringfellow.
    Ce fut le regard bleu perçant de Potter, réputé dans toute
la vallée de la Mohawk pour son acuité d’aigle proprement surnaturelle, qui
repéra la colonne de cavaliers fantômes, silhouettes noires montées sur des
étalons noirs, qui s’avançait en procession austère et orthodoxe sur fond de
ciel dompté par la lune. Brusquement, avec une célérité quasi démoniaque, ils
quittèrent la route et envahirent la cour au grand galop.
    « Mouchez-moi cette lumière ! » gronda le
capitaine Gracie, et quelqu’un s’exécuta. Perdu dans les ténèbres, le bébé se
mit à pleurnicher. « Madame ? » demanda Gracie. Il y eut un
bruissement, et l’enfant se tut.
    Dehors, les silhouettes noires sautaient de leur selle, et
déjà plusieurs contournaient la cabane.
    « J’en compte douze, dit Potter.
    — Du calme, mes garçons, ordonna le capitaine Gracie.
Attendez mon signal. »
    Froidement, sans un mot, M me  Conklin tendit
le bébé à sa fille puis, comme

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