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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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vue. M me  Conklin essuya ses joues noires de
suie avec l’ourlet de sa robe puis se pencha pour écouter les balbutiements de
son mari. « Oui, l’entendit-on répondre, ça y est, ils sont partis. »
Le bébé était étrangement silencieux, comme s’il admettait que ses
protestations, malgré tous ses efforts, faisaient pâle figure face au cri de la
poudre.
    Ce fut Harry Spelvins, parti se soulager derrière les
parterres de fleurs piétinés, par-delà la lueur erratique du wagon encore
embrasé, qui trouva le corps dans le buisson de bugle au nord de la
cabane : visage noirci, favoris touffus, une chemise de chasseur fantaisie
brodée d’un aigle sur la poitrine, assombrie de sang au-dessous des
tétons ; à côté, un chapeau mou écrabouillé au ruban agrémenté de plumes
d’oie et, à quelques mètres dans la poussière, un étendard proclamant, en
majuscules calligraphiées, LA SUPRÉMATIE DE LA
RACE BLANCHE .
    « Tiens, tiens ! s’exclama le capitaine Gracie en
tâtant le cadavre de la pointe de sa botte. Que le Diable me rôtisse à la
broche si ça n’est pas ce bon vieux S. G. Q. Jones en personne !
On dirait qu’il a désenflé, il fait moins le fier à présent. Qui est-ce qui l’a
eu ?
    — C’est Potter qui tirait de ce côté, signala Ike le
Velu, qui dansait de joie face à cette preuve que leur labeur nocturne n’avait
pas été infructueux.
    — Eh bien, Potter, il apparaît que vous avez renvoyé
l’un des notables incontestés de la Loge bleue dans ses quartiers d’hiver. Si
vous voulez son scalp, il est à vous.
    — Merci, capitaine. Je ne dis pas non. »
    Rayonnant d’admiration, Ike le Velu lui tendit son précieux
coutelas Bowie plaqué or. « Il est aiguisé de ce matin. »
    Dans un sonore et plaintif craquement de genoux, et un
grognement essoufflé, Potter accroupit ses vieux os à côté du corps disloqué,
saisit une poignée de mèches grasses et se mit à en scier maladroitement les
racines. L’instant d’après, la femme lui frôlait le coude. « Vous faites
un travail de cochon, maugréa-t-elle en tendant une main agacée vers la lame
glissante. Laissez-moi faire. » Potter s’effaça de bonne grâce et elle se
pencha prestement sur son ouvrage, décollant le cuir du crâne humain avec
autant de naturel que si elle épluchait une pomme de terre. Elle s’affairait
avec une concentration farouche à cette humble tâche domestique dans la lumière
déclinante du feu, tandis que ses spectateurs impressionnés tendaient le cou pour
prendre des leçons ; enfin, dans un bruit écœurant d’adhésif, le scalp se
détacha d’une seule pièce, impeccable.
    « M’dame, dit Ike le Velu d’un ton approbateur, si vous
vouliez, je crois bien que vous pourriez débiter le monsieur en quartiers et
ouvrir une boucherie. »
    Encadrée par le chambranle trapu et éclairé de la cabane,
ses bras chétifs enserrant encore son petit frère, se tenait Zillah, la fille
des Conklin ; et pas un seul détail dégoulinant de cette scène édifiante
n’échappait à son regard neutre, désarmé, insondable comme la nuit.
     
    « Ben alors, il est où ? » demanda avidement
Liberty, en proie à une fascination presque insatiable pour les aspects les
plus sordides de la vie sur cette planète qu’il se trouvait habiter. Un an
après les faits, le père, le fils et le conteur prodigue étaient assemblés au
salon, puisque toute mention de l’hémorragie du corps politique, que ce soit
sous forme abstraite et éthérée ou littérale et incarnée, avait été bannie à
jamais de la salle à manger.
    « J’en sais fichtre rien, répondit Potter en grattant
instinctivement sa nuque crasseuse. Cette fourrure, elle a dû se perdre quelque
part entre ici et Springfield, ou bien on me l’a volée. Je me rappelle qu’à
Lawrence une bande de gars a voulu me la troquer contre un tonneau d’alcool de
maïs, du premier choix, quarante degrés, un remède de cheval. Et un vieil
éclaireur, un bonhomme marrant avec une moustache tombante qui ravitaillait un
convoi de pionniers à l’est de la mission de Shawnee, l’admirait tellement
qu’il voulait la planter sur un mât fixé à son chariot, pour remplacer son
foutu pavillon noir qui claquait au vent. À Westport, un barbier chauve avec un
œil au beurre noir m’a montré comment fixer mon trophée à mes rênes, de quoi
impressionner amis et ennemis : comme ça, personne me chercherait noise.
Conclusion, j’en

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