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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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canaleux : la grande épidémie de choléra de 32, où des
coulées de goudron brûlaient sur toutes les places tandis que des quartiers de
bœuf cuisaient à la broche, pour éliminer les toxines de l’air ;
l’éclusier alcoolique qui, une nuit où il avait abusé du jus de maïs, avait
tenté d’allumer sa pipe avec un morceau de charbon embrasé et avait mis le feu
à sa barbe : le lendemain matin, il ne restait de lui qu’un tas de chair
calcinée qu’on avait vendu au boulanger du coin pour qu’il s’en serve dans son
four ; la femme du cocher au regard tentateur, qui s’allongeait avec vous
dans la fléole des prés pour des clopinettes ; les terribles ruptures de
digues qui laissaient parfois le Crésus en perdition pendant un ou deux
jours ; et, bien sûr, les voyous vagabonds qui hantaient le canal comme
des esprits tourmentés, les tire-laine et les brigands en herbe, les arnaqueurs
et les mendigots, les chemineaux et les brailleurs de Bible, et les mémorables
castagnes qui s’ensuivaient quand on remuait ce mélange un peu trop
vigoureusement.
    « Et puis, un soir, raconta Whelkington à son auditoire
fasciné, une heure après avoir quitté Rome, un vent de noroît s’est mis à
souffler jusqu’à en faire tomber les écureuils des arbres. Le canal
bouillonnait, on ne voyait même plus le bout du bateau. Et puis un électron
s’est abattu, il a assommé le vieux Red, et je me suis précipité et… » Il
s’interrompit et dévisagea les Fish, figés sur le seuil, comme s’il ne les
avait jamais vus et ne souhaitait pas les revoir.
    « Attablez-vous maintenant, lança sèchement M me  Callahan
qui passait en trombe les bras chargés de vaisselle sale, ou vous n’aurez plus
de raison de vous attabler. »
    Alors qu’elle parlait, la dernière tranche de jambon fut
transpercée et happée par la fourchette d’un gros dur vêtu de daim dont le
visage grisonnant semblait poser l’éternelle question : Qu’est-ce que vous
comptez faire pour m’en empêcher ?
    « Ne vous inquiétez pas », affirma une jeune femme
assise à proximité ; le bleu de ses yeux était si frappant que les
pupilles évoquaient deux soleils noirs. Elle était assise, avec les autres
représentantes de son sexe, qui toutes arboraient la mine taciturne des statues
d’Indien chez les marchands de tabac, à une longue table, en face d’une rangée
équivalente d’hommes, lesquels, trop occupés à enfourner de la boustifaille
dans leur fiole, ou trop gênés par cette dangereuse proximité du beau sexe,
n’adressaient pas la parole ni même un regard à ces dames. « Cet enfant
est libre de finir les restes de mon je-ne-sais-quoi, dit-elle en repoussant
son assiette d’un air dégoûté. Je suis pleinement rassasiée. » Son
sourire, quoique peu avare de dents, faisait l’effet d’un simple phénomène de
surface, et suggérait que sous la peau de tels sourires étaient rares, furtifs
et précieux.
    Thatcher déclina poliment en ajoutant : « Nous
avons pris un petit déjeuner plus que copieux avant de partir ce matin.
    — J’insiste ! » Elle tapota la place vide à
côté d’elle. « Le petit déjeuner doit remonter à des heures, et,
franchement, je crois que ce garçon serait prêt à manger l’émail de
l’assiette. »
    Liberty regarda son père, puis se glissa sur la chaise
tandis que la jeune femme tendait vers Thatcher une main fine et pâle.
« Augusta Thorne », proclama-t-elle hardiment, avant de désigner la
femme âgée et corpulente assise à sa droite comme étant « ma mère, Edith
Thorne », laquelle hocha tendrement la tête, « et cette diablesse au
bout est ma petite sœur, Rose, à laquelle il ne faut prêter aucune attention,
sans quoi elle montera sur la table pour réciter “Elle marche en beauté comme
l’étoile” ou je ne sais quoi – je n’ai pas la tête à retenir toutes ces
fadaises de songe-creux.
    — “Elle marche en beauté telle la nuit” »,
corrigea Rose. Le sang monta à ses joues duveteuses, produisant un incarnat qui
seyait à son nom.
    « Vraiment, déclara M me  Thorne mère en
pointant son lorgnon vers Thatcher, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ces
repas absurdes doivent se dérouler comme des courses de chevaux. Est-ce qu’on
décerne un prix au plus rapide, ou est-ce qu’on a peur qu’il n’y ait plus rien
à manger avant que tout le monde ait pu se remplir la panse ?
    — Inquiétude bien réelle, je

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