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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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demander de me rendre mon fils, et j’en avais parlé à
Juliette. Elle me l’avait déconseillé. C’était Jean, disait-elle, qui refusait
tout dialogue ; il fallait laisser faire le temps. Mais ce m’était de plus
en plus dur d’attendre, sans savoir si mon espoir serait un jour réalisé. J’avais
peur, aussi, que mon fils ne se mît à préférer la vie que lui faisait Henri, et
je me demandais de plus en plus souvent s’il reviendrait un jour.
    Charles, qui voyait combien j’étais triste, et à qui je
faisais part de mes craintes, me rassurait. Il me disait, invariablement :
    — Il reviendra, Madeleine, tu verras, il finira
bien par revenir. Il nous aime, malgré tout, et puis, c’est un bon petit.
    Ma mère abondait dans ce sens :
    — Il a raison, Madeleine. Jean t’aime, ne crains
rien. C’est parce qu’il t’aime qu’il n’arrive pas à admettre la réalité. C’est
un adolescent, épris d’idéal, et l’image qu’il se faisait de toi a été
brutalement détruite. Ce n’est qu’une question de temps.
    Mais combien de temps ? me disais-je parfois. C’était
interminable, et l’idée que mon enfant me haïssait m’était insupportable. J’avais
toujours dans la tête les mots qu’il m’avait jetés avec rancune : « Je
te déteste ! » Je me réveillais parfois la nuit, ayant l’impression
de les entendre encore.
    L’année 1939 arriva, et avec elle les menaces de guerre se
précisèrent. Les nouvelles devenaient alarmantes. Notre poste de T. S. F. nous
apprit l’entrée des troupes allemandes en Bohême-Moravie, puis, en mai, le
pacte d’Acier entre l’Allemagne et l’Italie. Plus les mois passaient, plus les
chances de paix diminuaient, et plus l’espoir de voir mon fils me revenir s’amenuisait.
Je vivais dans une attente continuelle, basée de plus en plus sur la crainte.
    Le 1 er septembre, les troupes allemandes
envahirent la Pologne. Le 3, l’Angleterre et la France déclarèrent la guerre à
l’Allemagne. Je nous revois, Charles et moi, dans notre cuisine, l’oreille
collée au poste de T. S. F. Ma mère était là, également. Nous avons écouté l’allocution
du président du Conseil Daladier. Et puis, ma mère et moi, les larmes aux yeux,
avons échangé un long regard. Charles m’a pris la main, l’a serrée très fort. Tous
les trois, écrasés par une fatalité implacable, nous éprouvions le même
sentiment d’impuissance désespérée.
     
    Parmi les mineurs, beaucoup ne furent pas mobilisés, car il
fallait garder de la main-d’œuvre pour extraire le charbon. Charles fut de
ceux-là, et, dans la tristesse de ces jours difficiles, ce me fut un réconfort.
Privée de la présence de mon fils, que serais-je devenue sans Charles ? J’avais
doublement besoin de lui, et j’étais heureuse de savoir que je n’aurais pas à
trembler chaque jour pour sa vie.
    Mais je n’eus pas le temps d’être rassérénée bien longtemps.
Quelques jours après, une nouvelle inquiétude s’abattit sur moi. Juliette vint
m’annoncer que Jean s’était engagé, et était parti pour le front. Bouleversée, je
m’effondrai.
    — J’aurais préféré ne pas te le dire, mais j’ai
voulu que tu le saches avant de l’apprendre par d’autres. De toute façon, il
aurait été appelé d’ici peu, tu le sais. Et rien n’a pu le retenir, il était
fermement décidé à partir.
    — Il n’est même pas venu me voir, me dire adieu !
Comment a-t-il pu ?…
    — Il est parti très rapidement, sur un véritable
coup de tête. Henri a été mobilisé comme officier. Jean n’a pas hésité, il a
demandé à partir avec lui.
    Je ne répondis pas. Je savais que chaque jour je tremblerais
lorsque j’entendrais frapper à la porte. Je ne me souvenais que trop bien de la
façon dont nous avions appris la mort de mon père. Je savais que je vivrais
avec une peur constante au fond du cœur, et que je m’efforcerais, sans résultat,
de chasser la pensée qui me dirait, bien souvent : « Et si je ne le
revoyais plus jamais ? Et si je le perdais définitivement ?… »
    Charles réagit mieux que moi :
    — Il fait son devoir, Madeleine. Nous ne sommes
pas les seuls à avoir un fils à la guerre.
    Bien sûr, lui était un homme. Il voyait ça d’une façon
différente. Moi, je n’étais qu’une mère qui tremblait pour son enfant. En plus,
je m’interrogeais sur les motifs qui l’avaient poussé à s’engager. Était-ce
dans le seul but de suivre

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