Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
Vom Netzwerk:
pu réfléchir avec cohérence, je n’ai pu que balbutier, avec l’impression de
me sentir sombrer :
    — Qui… qui te l’a dit ?
    De ma vie, je ne me pardonnerai jamais d’avoir prononcé ces
paroles. Elles étaient un aveu, alors que Jean espérait un démenti. Si j’avais
simplement demandé : « Qui t’a dit ça ? », tout aurait été
différent. Mais, sous l’effet de la surprise, j’ai prononcé les premières
paroles qui me vinrent à l’esprit, et elles furent fatales. Ensuite, il était
trop tard pour les rattraper.
    Jean pâlit encore plus, recula d’un pas, murmura :
    — Alors… c’est vrai ? C’est donc vrai… Je ne
voulais pas le croire…
    Je vis sur son visage une véritable souffrance. Une colère
monta en moi contre Henri. Il avait trahi mon secret, malgré sa promesse. Je ne
pus m’empêcher de demander :
    — C’est Henri qui t’a parlé ? C’est lui ?
    — Non. Mais peu importe ! Le principal, c’est
que c’est vrai ! C’est vrai ! Je ne voulais pas le croire ! Quand
il m’a dit ça, j’ai failli lui sauter dessus ! J’ai simplement cru qu’il
était jaloux. Mais lui, il ricanait, il semblait si sûr de lui ! Il m’a
dit : « Si tu ne me crois pas, demande à ta mère. Elle doit bien le
savoir, elle ! »
    — Mais… je ne comprends pas, Jean… Qui donc a pu…
    Il répéta, sur un ton à la fois incrédule et horrifié :
    — Ainsi donc, c’est vrai ! Je comprends
maintenant ! Je comprends maintenant la sollicitude d’Henri, sa tendresse
envers moi. Il le sait, lui ? Dis, il le sait ?
    Devant son regard accusateur, je voulus me défendre. Mais, sauvagement,
il ordonna :
    — Réponds, au moins ! Aie la franchise de
dire la vérité ! Il le sait, que je suis son fils ?
    Un courant obscur m’emportait, et je ne pouvais lutter
contre sa force. Avec un profond sentiment de catastrophe, j’acquiesçai d’un
signe de tête. Jean eut une sorte de ricanement qui me fit mal, et, impitoyablement,
reprit :
    — Et papa ? Il sait, lui aussi ? Ou
bien il se croit vraiment mon père ? Dis, réponds !
    Une horrible souffrance me hachait le cœur. Je ne
reconnaissais plus mon fils dans cet adolescent furieux et vengeur qui me
parlait durement, qui m’accablait sans pitié :
    — Alors, réponds ? Il ne sait rien ?
    Torturée, j’ai dit, dans un souffle :
    — Si, il est au courant…
    — Ah, c’est très bien ! Tout le monde le
sait, sauf moi, le principal intéressé !
    Un sanglot l’interrompit. Ses yeux reflétèrent une douleur
immense. Il eut un geste vers moi, dit, dans une plainte :
    — Oh, maman, maman ! Comment as-tu pu faire
ça ?…
    Anéantie, brisée, je n’ai pas su me défendre. J’ai voulu me
rapprocher de lui, essayer de lui expliquer, de lui faire comprendre. Mais lui,
meurtri par une révélation trop brutale, ne me le permit pas. Je vis, avec une
peine atroce, le recul qu’il eut pour s’éloigner de moi ; je vis son
regard se poser sur moi avec une sorte d’horreur, oui, d’horreur – et je
crus mourir.
    Il reprit, avec rage, avec acharnement :
    — Comment as-tu pu faire ça ? Toute cette
tromperie ! Jamais plus je n’aurai confiance en toi ! Et jamais je ne
te pardonnerai ! Si tu savais comme je t’en veux ! Non, ne m’approche
pas ! Ne me touche pas ! Je te déteste !
    Je m’arrêtai dans mon élan vers lui, pétrifiée de douleur. J’étais
trop bouleversée pour comprendre que seuls la souffrance et le désespoir
dictaient son attitude ; il avait mal, et par une instinctive réaction, il
cherchait à faire mal à son tour.
    Il me tourna le dos, se dirigea vers la porte. Incapable de
le retenir, dans un sursaut de désespoir je criai :
    — Jean ! Où vas-tu ?
    Il se retourna, d’un mouvement brusque. Je lus dans son
regard une véritable haine, et je sentis la vie se retirer de mon cœur meurtri.
    — Je m’en vais ! Je ne veux plus te voir !
Je vais rejoindre Henri, puisqu’il est mon vrai père ! Ma place est auprès
de lui !
    La douleur me crucifiait. Je tendis les mains vers lui, mais
il ne vit pas mon geste. Il ouvrait la porte, s’en allait. Abrutie de
souffrance, impuissante et désespérée, je n’ai pu que le regarder partir, et, à
chaque pas qui l’éloignait de moi, je me sentais mourir un peu.
     
    Lorsque Charles rentra le soir, il me trouva complètement
prostrée. Depuis le départ de Jean, je ne faisais que pleurer. Mon

Weitere Kostenlose Bücher