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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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monstrueux. Surtout
quand il s’agissait d’un mari bon et doux comme l’Antoine. Nous étions
sincèrement indignés.
    Et quand, à la Libération, ils lui rasèrent les cheveux, à
elle et à d’autres, et la firent défiler dans les rues, il y en eut beaucoup
pour trouver que la punition était encore trop faible eu égard à la faute.
     
    L’hiver passa, difficilement. Il faisait froid, et il
fallait économiser notre peu de charbon. En vidant les cendres, tous les matins,
je les triais et je récupérais les morceaux de charbon qui n’étaient pas
complètement brûlés, afin de les utiliser une fois de plus.
    Les bombardements ne cessaient pas. Le ravitaillement
manquait toujours autant. Les prix, au marché noir, atteignaient des sommes’
astronomiques. Très souvent, nous avions faim.
    Ma mère venait fréquemment me voir. La compagnie de Jeanne
lui manquait. Nous allions, toutes les deux, rendre visite à Anna. L’insouciance
et le babil du petit Paul nous accueillaient et chassaient, pour un instant, nos
ennuis.
    Nous écoutions toujours Radio-Londres. L’espoir, tour à tour,
venait et repartait. Nous connaissions tous, maintenant, l’air « Radio-Paris
ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand ». Cette année-là, apparut
sur les ondes le Chant des Partisans. C’était un chant grave et lent, sur une
musique russe et des paroles de Joseph Kessel et Maurice Druon. Il nous parlait
des combattants des maquis donnant leur vie pour la liberté. Chaque fois que je
l’entendais, je ne pouvais pas m’empêcher de frissonner. Je le trouvais d’une
beauté poignante, profonde et tragique.
    *
    Tout doucement, malgré la guerre, le printemps s’installa. Avril
était là, les arbres étaient redevenus verts, les jonquilles étaient fleuries. J’en
mettais chaque jour un bouquet dans la chambre de Jean. C’était ma façon à moi
de défier le sort, de me dire que, tant que sa chambre paraîtrait vivante, lui
aussi vivrait, et reviendrait.
    A cette époque, il y eut tant de bombardements, particulièrement
dans la région lilloise, que des mineurs furent envoyés sur place pour déblayer
les rues et rechercher, parmi les décombres, morts et blessés. Jusqu’ici, nous
avions été épargnés, mais cela allait-il durer ? Nous vivions dans une
angoisse constante.
     
    Quelques semaines passèrent encore. J’avais ma mère, j’avais
Charles, mais il me manquait mon enfant. Je gardais précieusement ses lettres, je
les lisais, les relisais. Je ne vivais que pour son retour.
    Et quand, le mardi 6 juin, un cri retentit, se propagea,
courut dans tout le coron : « Ils ont débarqué ! Ça y est, ils
ont débarqué ! », tout d’abord je n’osai y croire. Et puis, il fallut
me rendre à l’évidence : c’était vrai, c’était arrivé. Enfin ! Depuis
le temps que nous les attendions, que nous les espérions, ils étaient enfin
venus !
    — Avec leur aide, me dit Charles, le soir même, nous
allons gagner la guerre.
    Il régnait partout une grande effervescence. Tout le monde
en parlait, c’était le sujet de toutes les conversations. Dans tous les yeux se
lisait une joyeuse espérance : après avoir été occupés pendant quatre ans,
nous allions enfin être libérés. Le temps de la terreur et de l’oppression
allait finir, nous allions de nouveau pouvoir vivre libres !
    La menace que cela représentait pour les Allemands les
rendit encore plus féroces. Il y eut davantage de fusillades, d’arrestations, de
déportations. Un des camarades de travail de Charles, qui, sous des dehors
placides, s’occupait activement de résistance, fut arrêté et envoyé dans un
camp. Lorsqu’il revint, un an plus tard, il était méconnaissable, décharné, squelettique,
avec des orbites enfoncées dans lesquelles ses yeux reflétaient le monde d’horreur
qu’il avait connu.
    En août, le Comité départemental de Libération décréta la
grève générale dans les mines, ce qui envenima les choses. Les Allemands
ripostèrent par toute une série d’interdictions : il fut interdit de
circuler après dix-huit heures, interdit aussi de rouler à bicyclette. Les
patrouilles qui sillonnaient les rues avaient ordre de tirer sur toute
silhouette dans la rue, dans les cours ou dans ; les jardins. Même un rai
de lumière filtrant le long d’un rideau le soir, ou une fenêtre entrouverte le
jour suffisait pour déclencher leurs coups de feu. Ces mesures, bien entendu,

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