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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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d’un condamné à
mort. Après s’être révolté, il semble maintenant tout subir, avec une sorte de
fatalisme. Seule sa fille parvient encore à le faire sourire. Quant à moi, c’est
à peine s’il s’aperçoit que j’existe. Que puis-je faire, dis-moi, pour l’aider ?
    — En as-tu parlé avec lui ?
    — Non, je n’ose pas. Son regard hanté me fait
peur. Je crains qu’il ne me repousse.
    — Aie le courage de lui parler, Anna. Peut-être n’attend-il
que ça ? Tu ne dois pas le laisser dans sa solitude, il est malheureux, il
a besoin que tu l’aides.
    — Oui, dit-elle en soupirant. Tu as raison, je
lui parlerai ce soir.
    Elle seule pouvait l’aider. Je souhaitais de toutes mes
forces qu’elle y parvînt. Je l’aimais bien, moi aussi, Georges, le petit frère
pour qui Marie avait donné sa vie. Je me rappelais que, au début de mon mariage
avec Charles, c’était lui qui était venu m’ouvrir les yeux, et me dire que
Charles était malheureux. Qui sait ce qui se serait passé, sans son
intervention ?
    Georges, maintenant, était comme Charles à cette époque :
il traînait les pieds en marchant et tenait la tête baissée comme un vaincu. Il
maigrissait, des rides d’amertume se creusaient autour de sa bouche. Pourtant, entre
Anna et ses enfants, il était heureux. Quels souvenirs l’accident d’Alexandre
avait-il réveillés en lui ? Et comment, si là était le problème, Anna
parviendrait-elle à l’aider ?
    Le dimanche suivant, ils vinrent à la maison. Anna, les yeux
brillants, me chuchota :
    — J’ai longuement discuté avec lui. J’ai fini par
comprendre qu’il ne supportait plus la mine. Alors, je crois que nous avons
trouvé une solution…
    Le petit Bernard, en appelant sa mère, nous interrompit. Je
regardai Georges. Il me parut, en effet, moins tourmenté, moins sombre.
    Nous avons dîné, et, après le repas, Anna a posé sa main sur
celle de son mari :
    — Allons, dis-leur, maintenant. Ils doivent
savoir, puisque ta décision est prise.
    Charles, surpris, a relevé la tête :
    — Ta décision ? Quelle décision ?
    Georges le regarda bien en face et dit, en détachant ses
mots :
    — – J’ai décidé de quitter la mine.
    Charles a sursauté.
    — Comment ? Que dis-tu ? Quitter la
mine ?
    Moi, je n’étais pas surprise. Ainsi, voilà une solution qu’ils
avaient trouvée, tous les deux. Si elle était capable de ramener la paix à
Georges, pourquoi pas ?
    Georges essayait d’expliquer :
    — Il y a un bout de temps que j’en ai assez, mais
je ne m’en rendais pas clairement compte. Pendant la grande grève, il y a deux
ans, j’ai éprouvé le même sentiment que maintenant, mais en moins fort. L’accident
qui a coûté la vie à Alexandre m’a ouvert les yeux. Depuis des années, je suis
un bagnard, et un bagnard volontaire ! Je subis mon travail, sans chercher
à m’en évader. Je ne peux plus continuer, et je ne veux plus…
    Charles, encore surpris, objecta :
    — Mais, Georges… que veux-tu faire ? Tu n’en
as jamais parlé !
    — Non, dit Georges, et j’ai eu tort. Tout s’est
accumulé, peu à peu.
    — Mais, où vas-tu aller ? Ici, tu as ton
logement ! Tu vas quitter la mine, alors que maintenant on a obtenu le
statut, et la sécurité sociale minière et tous les avantages ?
    — Il y a des avantages ailleurs aussi, dit
Georges, dans d’autres métiers. Pourquoi ne pas parler, plutôt, des
inconvénients ? Et ils ne sont pas minces, tu ne peux pas dire le
contraire ! Je ne veux plus être mineur, j’en ai assez, c’est un métier
trop dur et trop dangereux. Vois, il a tué notre père à petit feu. As-tu oublié
ses souffrances ? Il a tué notre frère Julien, en pleine jeunesse. Et il
vient de tuer mon meilleur ami. Et combien d’autres ! Et combien en
tuera-t-il encore ? Je ne veux pas exposer mes fils à une mort permanente.
Et moi-même, je ne me sens plus le courage de continuer.
    Charles regarda son frère comme s’il le découvrait :
    — Mais… tu n’as jamais rien dit ! Je ne me
doutais pas… Je croyais que, comme moi, tu aimais ton métier ?
    — Mais non ! reprit Georges avec violence. Comment
pourrais-je l’aimer ? Est-ce que je l’ai choisi ? On ne m’a pas
demandé mon avis. À douze ans, on m’a envoyé à la mine, un point c’est tout. Je
ne critique pas, à l’époque c’était normal. Mais maintenant, voilà trente ans
que j’y suis, et je suis à

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