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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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bout.
    — Mais… que vas-tu faire ? Ne crois-tu pas
qu’il vaudrait mieux réfléchir encore ?
    — C’est tout réfléchi, je ne changerai plus d’avis.
Nous avons répondu à une annonce qui demande un couple de gardiens, pour une
propriété sur la côte du Nord. Nous verrons bien si nous sommes acceptés. Nous
serons logés également ; moi j’aurai l’entretien du jardin, qui est grand,
et Anna celui des pièces de la maison. Nous aurons notre petit pavillon, près
de la grille d’entrée. Ça me plairait bien, tu sais. Et, au moins, je
travaillerai dehors, à l’air pur, et non dans une galerie souterraine comme si
j’étais un fouan [5]  !
    Il s’arrêta, regarda Anna. Ils se sourirent, et leur sourire
disait leur certitude d’avoir bien choisi, d’avoir pris la bonne décision.
    — Eh bien… dit Charles, complètement désorienté, eh
bien… si je m’attendais à ça ! Tu vas me manquer si tu pars !
    — Alors, viens avec moi. Fais comme moi, pourquoi
pas ? Ça ne te tente pas ?
    Je vis mon Charles hésiter un instant, puis secouer la tête
avec gravité :
    — Non, vraiment non ! Je n’ai plus que trois
ans à faire pour ma retraite. Pourquoi partirais-je si près de la fin ? Depuis
si longtemps, j’exerce ce métier. Il fait partie de ma vie, il me colle à la
peau ! Contrairement à toi, il ne me déplaît pas. Il est dur, d’accord, il
est dangereux, d’accord, mais aucun métier n’est facile, et le danger existe
partout.
    — Pas autant, dit Georges. Le métier de mineur
est, quand même, le plus dangereux. Et quand je pense qu’il m’a pris, successivement,
mon père, mon frère, et mon meilleur ami, je ne suis pas loin de le haïr, c’est
plus fort que moi.
    Ils discutèrent encore longtemps, chacun défendant son point
de vue. Je comprenais que Georges était fermement décidé à partir, et je lui
trouvais une ardeur, un enthousiasme qu’il n’avait pas auparavant. Pendant que
nous faisions la vaisselle, je dis à Anna :
    — Il a l’air transformé ! Je suis heureuse
pour toi !
    — Nous avons discuté longtemps. Il s’était
résigné, et il était malheureux. C’est moi qui lui ai suggéré de changer de
métier. Et quand j’ai vu l’espoir qui s’est levé dans ses yeux, j’ai compris
que j’avais proposé la bonne solution.
    Ainsi, ils allaient partir. Ils nous manqueraient, c’était
certain. Anna, depuis toutes ces années, était pour moi une sœur. Et les
enfants ! J’eus de la peine en pensant que nous ne verrions plus notre
petite Marie-Jeanne que nous aimions tant.
    Le soir, après leur départ, Charles me demanda :
    — Qu’en penses-tu, Madeleine ?
    — Ils ont raison, si cela permet à Georges d’être
plus heureux.
    — Oui, évidemment. Mais nous, nous sommes heureux
ici, n’est-ce pas ?
    J’ai acquiescé. Oui, nous étions bien, chez nous. Là était
notre vie, et je fus contente de voir que l’avis de Charles s’accordait au mien.
     
    Lorsqu’il apprit la décision de Georges, Jean approuva :
    — Il a raison, dit-il à Charles qui, lui, n’arrivait
pas à comprendre totalement. S’il n’aime pas son métier, s’il en est arrivé à
le haïr, pourquoi continuerait-il à l’exercer à contrecœur ? Moi, j’ai
réagi de la même façon, après être resté prisonnier cinq jours au fond, lors de
l’éboulement… je ne voulais pas y retourner non plus. Je sais ce qu’il éprouve,
et je pense qu’il fait bien de partir pendant qu’il est encore temps pour lui.
    Dans la semaine, Anna accourut pour nous montrer la lettre
qu’ils avaient reçue, en réponse à leur candidature. Ils devaient se présenter
le dimanche suivant, à l’adresse indiquée. D’autres couples s’étaient proposés
aussi, et ils sauraient si, oui ou non, ils étaient choisis.
    — Oh, dit Anna, nous avons un trac fou, encore
plus que lorsque nous avons passé notre certificat d’études !
    Je souris devant son inquiétude.
    — Voyons, il ne sert à rien d’avoir peur. Georges
est un excellent jardinier, et toi, Anna, question ménage et entretien, tu ne
crains personne.
    — Je le sais bien, soupira-t-elle, pas convaincue.
Mais les autres, ceux qui demandent la place également, comment sont-ils ?
Peut-être sont-ils mieux que nous ?
    Ils partirent le dimanche matin, par le train. Ils avaient
mis leurs plus beaux vêtements, et ils étaient touchants dans leur désir de
faire bonne impression. Ils nous avaient

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